«C'est un salaud! Un corrompu! On préfère encore Musharraf!» Dans la rue, au Pakistan, tous les adjectifs péjoratifs semblent bons ces jours-ci pour parler du veuf de Benazir Bhutto, Asif Ali Zardari. Pourtant, l'homme le plus controversé du moment est le favori de l'élection présidentielle qui aura lieu demain.

Ce n'est pas la population pakistanaise qui trouvera un remplaçant à Pervez Musharraf - qui a démissionné le 18 août dernier -, mais bien les députés du Parlement d'Islamabad et les quatre Assemblées provinciales. Et la nomination presque certaine du chef du plus grand parti démocrate du pays, le Pakistan's People Party (PPP), suscite déjà l'inquiétude.

Rares sont les articles dans La Presse locale qui défendent le candidat du PPP. «Zardari, le nouveau Musharraf» est l'un des titres évocateurs qui reviennent quotidiennement.

Pour la plupart des Pakistanais, le nom de Zardari est synonyme de «corruption». Libéré en 2004, ce dernier a passé 11 ans en prison pour affaires de corruption. Il a aussi un sobriquet qui lui colle à la peau: Monsieur 10%. Ce surnom est lié à des allégations selon lesquelles M. Zardari aurait prélevé systématiquement des commissions quand il était ministre de l'Investissement dans le gouvernement de sa femme en 1988. Le principal intéressé nie sur toute la ligne.

Dans l'ombre de Benazir

Même au sein de l'organisation politique qu'il dirige, Zardari ne suscite aucun enthousiasme. Au siège du parti, à Islamabad, ce sont toujours les affiches à l'effigie de Benazir qui tapissent les murs. Les dirigeants que l'on y croise sont rares et affichent des mines crispées. «Après l'assassinat de Benazir, Zardari n'a jamais fait l'unanimité pour reprendre les rênes du parti. Mais il a réussi à former un gouvernement et à maintenir la cohésion du pays. Alors, il faut lui faire confiance», dit l'un d'eux. Certains cadres du PPP ont souhaité nommer un autre candidat à la présidence, menaçant même de claquer la porte en cas de refus. Mais ce fut en vain.

Critiqué à l'interne, Zardari déçoit aussi les partisans du PPP. D'abord parce qu'il a manqué à sa promesse en ne restaurant pas les juges que Musharraf a saqués l'an dernier. Ensuite, parce qu'il va bénéficier d'un système politique dans lequel tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du président.

Si Zardari revient à nouveau sur sa parole et ne modifie pas la Constitution pour établir un régime parlementaire, «ce sera une dictature bis à la Musharraf avec un visage pseudo-démocratique», écrit un éditorialiste du quotidien pakistanais Daily Times. Selon les experts du Pakistan, une telle éventualité plongerait le pays dans une grave crise politique qui profiterait au rival historique du PPP, la Ligue pakistanaise musulmane de Nawaz Sharif (PML-N), qui vient de quitter la coalition au pouvoir à la suite de divergences avec Zardari.

Même l'un des amis proches du veuf Bhutto, le journaliste Shaheen Sehbai, convient que la présidence de Zardari ne sera pas de tout repos. «Les deux autres candidats à la présidentielle ne peuvent pas rivaliser avec le leader du premier parti démocrate du pays, rappelé au pouvoir par les urnes en février 2008. Mais sa crédibilité est devenue un sérieux problème. Il va devoir faire ses preuves».