Les États-Unis ont espionné de près le premier ministre irakien Nouri al-Maliki et des membres de son gouvernement, pendant que le président George W. Bush établissait un bon rapport de travail avec lui, selon un livre d'investigation cité vendredi par le Washington Post.

La Maison-Blanche a assuré vendredi ne pas avoir besoin d'espionner le premier ministre irakien pour savoir ce qu'il pense, étant donné l'étroitesse et la franchise des relations entre Nouri al-Maliki et le président Bush, sans toutefois explicitement démentir l'information.

Cette surveillance a suscité des préoccupations parmi certains hauts responsables américains, écrit l'auteur de l'ouvrage, le journaliste Bob Woodward, célèbre pour son rôle dans la révélation de l'affaire Watergate.

«Nous savons tout ce qu'il dit», indique une des sources citées par M. Woodward à propos de cette opération sophistiquée visant M. Maliki.

Un responsable connaissant ce dossier «a reconnu le caractère délicat du problème, puis a demandé: «Aurait-il mieux valu que nous ne le fassions pas ?»»

À Bagdad, le porte-parole du gouvernement irakien a réagi annonçant que les Irakiens allaient «soulever la question» auprès de leurs homologues américains et «demander une explication».

«Si c'est vrai, si c'est un fait, cela voudra dire qu'il n'y a pas de climat de confiance et que les institutions aux États-Unis sont utilisées pour espionner amis et ennemis de la même manière», a déclaré Ali Al-Dabbagh.

Le livre décrit aussi l'administration Bush comme déchirée par des divisions allant jusqu'à «presque une rébellion» de généraux importants à propos du plan du président d'envoyer plus de troupes en Irak.

Les chefs de l'état-major interarmes étaient persuadés que leurs avis ne parvenaient pas au président, et l'amiral Michael Mullen, à l'époque chef des opérations navales, craignait que l'armée ne voie «retomber sur elle» tout échec en Irak, toujours selon l'enquête journalistique.

Le général George Casey, alors commandant des forces de la coalition en Irak, et le général John Abizaid, ancien chef du Commandement central américain, se sont fermement opposés, tout comme l'ancien secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, au renforcement du contingent que le président Bush devait finalement ordonner, déclare Bob Woodward.

Le général Casey a même dit que Bagdad était «un merdier» pour les soldats américains. Seul le Conseil national de sécurité a soutenu sans réserve la stratégie du renforcement, qualifiée par la suite de succès militaire.

C'est au cours du débat sur cette question que le président Bush a décidé de limoger Donald Rumsfeld, selon le livre intitulé «La guerre vue de l'intérieur». Et il a choisi son successeur, Robert Gates, sans consulter le vice-président Dick Cheney.

Selon M. Woodward, ce n'est pas le renforcement des troupes de combat qui a réduit les violences en Irak, mais des «percées» des services spéciaux sur le terrain ayant permis d'identifier des chefs des rebelles et des responsables d'Al-Qaeda en Irak.

Le journaliste a interviewé George W. Bush sur ces questions et le cite dans son livre. Selon le Washington Post, le président américain défend l'invasion de l'Irak, tout en reconnaissant que cette décision avait suscité de fortes résistances à Washington. «L'un de mes échecs est de n'avoir pas imposé un changement de ton à Washington», dit-il.

M. Bush présente la guerre comme un effort pour restructurer la présence américaine au Moyen-Orient.