En choisissant pour colistière une personnalité conservatrice sur les thèmes de société, le candidat républicain à la Maison-Blanche John McCain s'est assuré le soutien de son parti, mais ce virage à droite pourrait le priver de voix au centre, selon des experts.

Le sénateur de l'Arizona et héros de la guerre du Vietnam cultive à l'envi sa réputation de forte-tête, volontiers en porte-à-faux avec son parti sur certains thèmes sensibles.

Mais il a dû faire des pas significatifs sur sa droite depuis l'échec de sa candidature à l'investiture républicaine en 2000, ce dont s'est saisi son rival démocrate à la présidentielle du 4 novembre, Barack Obama, pour le décrire comme s'inscrivant dans la droite ligne du très impopulaire George W. Bush.

M. McCain a ainsi été critiqué pour avoir proposé de rendre permanentes des baisses d'impôts provisoires auxquelles il s'était initialement opposé, pour avoir durci son discours sur l'immigration, le mariage homosexuel ou l'avortement, et pour avoir donné l'accolade à feu le télévangéliste Jerry Falwell, figure de la droite ultra-conservatrice américaine qu'il avait un temps qualifié d'«agent de l'intolérance».

Ce faisant, McCain se rapproche du courant dominant républicain, explique Stephen Hess, du centre de réflexion conservateur Brookings Institute. «Il fait ce que doit faire tout politicien tentant d'être élu par un parti important: d'abord s'assurer que sa base est solide, avant d'aller vers les gens qui pour une raison ou une autre hésitent».

Plusieurs ténors de l'aile conservatrice du Parti républicain, qui s'étaient publiquement opposés à McCain, ont été conquis par le choix de la gouverneure Sarah Palin comme colistière.

Passionnée de chasse et chrétienne militante, elle est opposée à l'avortement et souhaite que la théorie créationniste soit enseignée dans les écoles.

Mais Palin n'est pas la seule concession faite par John McCain: il a également autorisé l'aile conservatrice du parti à élaborer un programme électoral considéré comme le plus radical de son histoire récente.

Dans ce programme, «il y a un vocabulaire plus dur sur la sécurité frontalière, sur l'environnement (...) nous avons une position très dure en matière d'opposition à l'avortement», a reconnu Kendal Unruh, délégué du Colorado et membre du comité chargé de son élaboration.

Mais Sarah Palin a également été choisie dans l'espoir d'aider McCain a attirer vers lui les indépendants et les partisans déçus d'Hillary Clinton, ex-adversaire d'Obama à l'investiture démocrate.

Les républicains «espèrent qu'il (McCain) puisse réussir deux choses en même temps, adopter des positions conservatrices sur les questions qui intéressent la base tout en gardant ce côté non-orthodoxe», analyse Michael Dimock, du Centre de recherche Pew.

«Tellement peu d'Américains s'identifient aux Républicains aujourd'hui que la contrainte qui pèse sur McCain est encore plus forte pour atteindre cet équilibre», souligne-t-il.

Le problème est que les questions de société, qui avaient attiré nombre de Démocrates vers le Parti républicain -- les fameux «Reagan démocrates» -- ont été remplacées par les préoccupations économiques.

M. Dimock remet ainsi en cause «l'aptitude d'une conservatrice comme Palin à attirer les Démocrates conservateurs». Quant aux positions tranchées de McCain sur l'Irak et ses basculements vers la droite, elles le rendront moins séduisant aux yeux des indépendants, selon lui.

«Les indépendants sont en général très opposés à la guerre en Irak et tendent à privilégier les questions comme l'économie, la santé et l'éducation, où les Démocrates ont un large avantage», estime-t-il.