En France, il peut coûter cher de négliger les intérêts des célébrités qui comptent parmi les amis du président Nicolas Sarkozy.

C'est du moins ce que suggèrent, à nombre d'analystes, les démêlés du chef des policiers et gendarmes de Corse, Dominique Rossi. Ce haut fonctionnaire a été muté manu militari en début de semaine à la suite d'une manifestation survenue sur la propriété de Christian Clavier, proche du chef de l'État.

Le comédien, connu notamment pour son rôle dans le film à succès Les visiteurs, était en mer samedi matin lorsque une vingtaine de militants nationalistes corses ont fait irruption sur le terrain de sa résidence secondaire, à Porto-Vecchio, dans le sud de l'île.

Selon les premiers témoignages recueillis par les enquêteurs chargés de faire la lumière sur cette «violation de domicile», les manifestants ont patienté pendant une heure près de la piscine sans pénétrer à l'intérieur de la résidence ou faire de dommages avant de se retirer.

Des incidents autrement plus violents sont relativement fréquents en Corse. Le soir même de la manifestation survenue sur le terrain de M. Clavier, une propriété de la même région a été sérieusement endommagée par un explosif. Des nationalistes corses ont souvent recours à ce procédé pour décourager l'achat de biens immobiliers par des «continentaux» ou des étrangers.

La manifestation de samedi matin, au dire du ministère de l'Intérieur français, justifiait quoi qu'il en soit une sanction. Notamment, dit-on, parce que le chef des forces de sécurité avait été avisé de l'intention des nationalistes et n'avait pas pris de dispositions pour empêcher leur venue. Le syndicat des commissaires de police juge que l'approche de M. Rossi était entièrement justifiée puisqu'un déploiement musclé aurait pu envenimer les choses.

La ministre de l'Intérieur, Michèle Alliot-Marie, après avoir relevé que la violation du droit de propriété est «quelque chose de grave», a assuré hier qu'elle avait pris seule la décision touchant le chef des forces de sécurité.

«Je suis en charge de la protection des Français, et de leurs biens. À ce titre, je suis en charge de choisir la personne qu'il faut, à l'endroit où il faut et au moment où il faut», a-t-elle assuré en priant les médias d'arrêter «de faire du cinéma» sur une possible intervention de Nicolas Sarkozy dans cette affaire.

Son affirmation n'a guère convaincu dans les salles de rédaction. Le quotidien Le Parisien assure que le «cas Rossi» a été évoqué par le président lundi matin au cours d'une rencontre avec ses principaux conseillers avant que l'annonce de la mutation du chef de sécurité ne soit annoncée.

Le quotidien Libération, citant une source «en haut lieu», affirme que Nicolas Sarkozy était «très en colère» après avoir appris de Christian Clavier la tenue de la manifestation. Et qu'il «a demandé à virer le fautif».

Pour le politicien centriste François Bayrou, le commissaire de police a clairement été victime du courroux du président. «Autrefois, il existait le crime de lèse-majesté. Maintenant, il y a le crime de lèse-copain de sa majesté», ironise-t-il.

Les rumeurs accusant d'ingérence le chef d'État français sont fréquentes, toujours démenties par l'Élysée et rarement étayées.

Au cours de l'été, Patrick Poivre d'Arvor, ex-présentateur vedette du bulletin d'information de la principale chaîne de télévision privée, TF1, avait laissé entendre que son éviction était imputable à une entrevue où il avait comparé le président à un «petit garçon».

Dans une entrevue parue hier, le PDG de TF1, Nonce Paolini, a écarté l'allégation en soulignant, avec ironie, que Nicolas Sarkozy n'était pas le directeur des ressources humaines de la chaîne.