Ils ont fui par centaines de milliers, ils reviennent au compte-gouttes. Deux jours après le passage de l'ouragan Gustav, les résidants de La Nouvelle-Orléans ont commencé à rentrer chez eux, hier, tandis que les autorités tentaient tant bien que mal de rétablir le courant dans la ville et dans le reste de la Louisiane.

Dans le tristement célèbre « Lower Ninth Ward », le Bas-Neuvième arrondissement, des arbres sont toujours couchés dans les rues. Des pigeons sont perchés sur les lignes électriques qui sont toujours en place. Ils semblent être les seuls habitants de ce quartier désert. Une maison a perdu son toit. D'autres sont placardées. Ici, le mal avait été fait bien avant Gustav. Il y a trois ans, la rupture des digues après l'ouragan Katrina avait provoqué une inondation monstre. Toutes les maisons ont été englouties. Des dizaines d'entre elles sont abandonnées depuis.

Tout le monde a fui ici. Maxine Richardson, qui a eu 86 ans mardi, est l'une des seules résidantes du quartier à être rentrée. Après avoir célébré son anniversaire dans un refuge de Baton Rouge, elle a retrouvé sa petite demeure avec un soupir de soulagement. Elle n'a pas une égratignure. Il faut comprendre que la dame tient à cette maison : elle l'a fait reconstruire de haut en bas après le passage de Katrina. Mme Richardson a vécu deux ans et demi dans des refuges gouvernementaux du Texas et de la Louisiane avant de retourner vivre chez elle.

« J'avais prié le bon Dieu, confie-t-elle. Pas pour qu'il arrête l'ouragan, juste pour qu'il parle aux vents. Je pense que j'ai été entendue. »

Reste à savoir comment elle se nourrira. Sa cuisinière et son réfrigérateur ne fonctionnent pas. L'électricité est coupée dans son quartier, comme dans la majorité des autres.

« Avez-vous de la lumière et de la glace ? » demande-t-elle à une policière qui passe devant sa maison.

« Désolée, j'aimerais bien en avoir aussi », lui répond la patrouilleuse.

Kim Moore et son mari ont dû allonger 400 $ de leur poche pour fuir vers Atlanta, où ils ont trouvé refuge chez des cousins. Ils sont rentrés chez eux au plus vite pour reprendre le travail, mais tout indique qu'ils devront attendre. Car avant de travailler, ils devront manger.

« Il n'y a pas d'électricité, pas de lumière, pas de nourriture et pas de magasin pour en acheter, dit Mme Moore. Je ne sais pas comment nous allons survivre. »

Pas d'embouteillages

Samedi dernier, des dizaines de milliers d'automobilistes ont pris la route, répondant à l'appel du maire de La Nouvelle-Orléans, Ray Nagin. Une file de plusieurs kilomètres s'est formée sur les autoroutes qui mènent au nord. On s'attendait à un embouteillage semblable lorsque le maire a permis à ses concitoyens de rentrer à la maison, hier, mais ce ne fut pas le cas. Car le feu vert était accompagné d'une mise en garde : les deux tiers des maisons sont privées de courant. La panne affecte aussi une station de pompage, paralysant le système d'égouts.

Plusieurs parmi ceux qui ont passé la tempête dans leur domicile s'impatientent. Richard Broussard se demande pourquoi il faut attendre si longtemps avant de remettre le réseau électrique en état. Après tout, fait-il valoir, Gustav n'a rien du désastre que les autorités craignaient tant.

« Lorsque Betsy a ravagé la ville en 1969, ils ont rétabli le courant en une heure », raconte cet ingénieur, qui songe à réparer lui-même le transformateur qui pend au-dessus de sa maison du quartier Margney.

« Inacceptable »

Au plus fort de la crise, mardi, plus de 1,4 million d'abonnés étaient privés de courant. Hier, le chiffre avait fondu à 1,2 million. Les firmes d'électricité ont mobilisé plus de 15 000 travailleurs de plusieurs États pour remettre le réseau sur pied. Mais le PDG d'Entergy, l'une des compagnies, a prévenu qu'il faudrait neuf jours pour rebrancher... la moitié des foyers dans le noir. Les autres devront attendre jusqu'à trois semaines.

Une situation que le gouverneur de l'État, Bobby Jindhal, qualifie d'«inacceptable . Lors de son point de presse quotidien, le gouverneur a écorché les compagnies d'électricité, exigeant qu'elles accélèrent la cadence.

« Il n'y a simplement pas d'excuse pour mettre autant de temps », a-t-il asséné, offrant des hélicoptères pour aider les équipes à atteindre les régions plus isolées.