Les secours peinent à parvenir aux dizaines de milliers de sinistrés trois jours après le passage de l'ouragan Hanna en Haïti. Seuls les hélicoptères ont pu porter une aide d'urgence hier dans la ville des Gonaïves, entièrement inondée depuis lundi. Impossible toutefois d'acheminer les denrées de base par la route et par avion.

Les dommages matériels causés par le passage de l'ouragan Hanna pourraient être plus importants que ceux causés par Jeanne, il y a quatre ans.

C'est le grave constat qu'a fait le chargé de projet de l'ONG canadienne CECI, Jacquelin Eugène, joint aux Gonaïves par La Presse, hier. « Sur fond de crise alimentaire et de crise politique, la population est sur le qui-vive. Les gens ont le sentiment que les secours ne vont pas arriver », a indiqué M. Eugène. Le coopérant faisait partie des équipes d'urgence il y a quatre ans, alors que Jeanne a fait 3000 morts. Il s'est rendu aux Gonaïves la veille de l'ouragan Hanna et tentait d'organiser les évacuations, hier.

« Le seul point positif de cette crise est l'instinct de survie des résidants. Les gens ont eu le réflexe de monter plus rapidement sur les toits que lors du passage de Jeanne. C'est ce qui explique qu'il y ait moins de morts », a-t-il dit.

Hanna a fait 61 morts en Haïti, selon les plus récentes estimations. Trente-sept personnes sont mortes dans le département de l'Artibonite, dont 21 dans la ville des Gonaïves et sept dans les villes voisines de Saint-Marc et de Gros Morne. Douze personnes sont mortes dans l'ouest du pays, dont deux dans la capitale, Port-au-Prince, et 12 autres dans le sud du pays.

Le bureau des Nations unies évalue que 300 000 personnes sont directement touchées. M. Eugène a constaté beaucoup de panique dans la population. « Il y a moins de mobilisation sur le terrain qu'après Jeanne. Les gens sont livrés à eux-mêmes », a-t-il déploré.

Routes coupées

Le Québécois Jean-Pierre Taschereau, coordonnateur des équipes d'urgence de la Croix-Rouge internationale en Haïti, a survolé les Gonaïves, hier. Son avion n'a pu atterrir à l'aéroport local, devenu « un lac », et a dû rebrousser chemin vers la capitale, Port-au-Prince. La route nationale 1 qui relie la capitale aux Gonaïves est aussi coupée à plusieurs endroits.

« Toutes les routes sont coupées. Des dizaines de milliers de maisons sont inondées. L'eau a commencé à baisser. J'ai vu un à deux mètres d'eau par endroits. Dans certains secteurs, les rues sont devenues des rivières. Des gens sont assis sur les toits et attendent des secours. Dans d'autres secteurs, les rues sont remplies de boue », a décrit M. Taschereau dans une entrevue téléphonique à La Presse. Le travailleur humanitaire craint un « énorme problème de santé publique ». L'eau stagnante est un vecteur de reproduction des moustiques, qui propagent la dengue et la malaria.

Les champs du secteur des Gonaïves et des communes environnantes sont aussi inondés. « Il n'y a plus de vivres dans les magasins de la ville et les récoltes prévues ce mois-ci et le mois prochain sont à l'eau. La crise va se détériorer », a indiqué M. Eugène du CECI. Haïti est déjà l'un des pays les plus touchés par la crise alimentaire mondiale. De violentes émeutes de la faim y ont éclaté en avril dernier.

Appel à l'aide

Des organismes humanitaires présents sur le terrain ont lancé un appel à la générosité des Québécois, hier. Oxfam-Québec (1-877-937-1614), le CECI (1-877-875-2324) et la Croix-Rouge canadienne (1-800-418-1111) récoltent les dons en argent. Le président haïtien, René Préval, a d'ailleurs demandé l'aide de la communauté internationale.

Cette saison des ouragans a beaucoup éprouvé Haïti avec Gustav, qui a fait 77 morts il y a neuf jours, et la tempête tropicale Fay, qui a fait une quarantaine de victimes il y a deux semaines. La majorité des 8,3 millions d'habitants d'Haïti vivent avec moins de 1 $US par jour.

— Avec l'AFP