Une affaire d'écoutes illégales attribuée à l'Agence brésilienne du renseignement (Abin) a ouvert une crise majeure entre les plus hautes autorités de l'État, que le président Luiz Inacio Lula da Silva tentait mardi de désamorcer.

Pour éviter que cette crise ne l'atteigne directement, Lula a réagi rapidement en suspendant lundi soir toute la direction de l'Abin, après que cet organisme - qui dépend directement de la présidence - eut été accusé d'avoir mis sur écoutes le téléphone du président de la Cour suprême, Gilmar Mendes.

Mardi, le chef de la sécurité de la présidence, le général Jorge Felix, s'est défendu devant une commission spéciale du Parlement.

«L'Abin, en tant qu'institution, ne fait ni n'a jamais fait de telles choses», a déclaré le général. Mais il a admis que des fonctionnaires de l'Abin, «qui sont des êtres humains susceptibles de commettre des erreurs», avaient pu intercepter les conversations et les transmettre à la presse.

L'hebdomadaire Veja a révélé le week-end dernier que M. Mendes, des parlementaires et même des ministres de Lula avaient été placés sur écoutes.

Comme preuve, Veja a reproduit une conversation du 15 juillet dernier entre le président de la Cour et un sénateur conservateur.

Le président Lula a demandé à la police fédérale d'enquêter pour découvrir qui avait ordonné ces écoutes téléphoniques illégales.

La suspension des chefs de l'Abin restera effective jusqu'à la fin de l'enquête pour assurer son bon déroulement.

Lula s'est dit «inquiet et indigné» par ces faits, tandis que M. Mendes a estimé qu'il s'agissait «d'un manque de contrôle de l'appareil d'Etat».

Mardi, le député fédéral Marcelo Itagiba a déclaré que «les faits étaient très graves et que seul le Parlement pouvait mener une enquête impartiale». Il a souligné que les écoutes légales «s'étaient banalisées», 409 000 ayant été autorisées par la justice en 2007 et que «les écoutes illégales s'étaient multipliées».

Cet espionnage montre, selon lui, «une lutte pour le pouvoir entre plusieurs groupes, au sein du gouvernement».

Selon les analystes politiques, si le président Lula arrive à montrer qu'il n'est pas impliqué, il sera en mesure de contenir rapidement le scandale, sans qu'il touche son Parti des travailleurs (PT, gauche) avant les élections municipales d'octobre, qui auront valeur de test pour la présidentielle de 2010.

«La suspension de la direction de l'Abin signifie que Lula a eu peur d'être avalé par la crise. Il a réagi en légitime défense de son mandat», souligne mardi un éditorialiste en vue, Ricardo Noblat.

Selon lui, il est nécessaire que les trois pouvoirs de la République, le gouvernement, le Parlement et la justice, «chacun dans sa sphère de compétence, mettent fin aux pratiques d'écoutes illégales».

«L'exécutif se doit de mieux contrôler son appareil de sécurité, le législatif se doit de voter des lois allant dans ce sens et le judiciaire se doit d'être plus rigoureux dans ses autorisations d'écoutes téléphoniques», affirme M. Noblat.

L'Abin a été créée en 1999 et a remplacé le Service National d'Information (SNI) qui était en vigueur sous la dictature au Brésil (1964-1985).

Selon le quotidien de Rio, O Globo, de mardi, l'Abin compte aujourd'hui près de 1 600 fonctionnaires dans tout le pays, dont 40% travaillaient pour le SNI.