L'état d'urgence a été décrété mardi à Bangkok après de violents affrontements entre partisans et adversaires du premier ministre thaïlandais Samak Sundaravej, dont des milliers d'opposants continuent d'exiger la démission en occupant le siège du gouvernement.

«En raison des violences nocturnes qui ont troublé l'ordre dans le pays et (qui) sont allées à l'encontre des lois, le gouvernement a déclaré l'état d'urgence, ce qui affectera les libertés individuelles», a annoncé la radio d'État.

Les heurts ont fait au moins un mort et 44 blessés, dont trois par balles, a indiqué le Centre national d'urgence. «Un homme de 53 ans est mort après avoir été battu à l'aide d'objets contondants. Il est décédé dans un hôpital public», a-t-il ajouté.

M. Samak, 73 ans, premier ministre depuis à peine sept mois, a nommé le chef de l'armée, le général Anupong Paojinda, à la tête d'un commandement spécial chargé de faire appliquer l'état d'urgence. Cette équipe comprend également le chef de la police nationale et le commandant militaire de la région de Bangkok.

Les rassemblements de plus de cinq personnes ont été interdits.

Le général Anupong a exclu la possibilité d'un coup d'État et, en dépit des pouvoirs spéciaux que lui confère l'état d'urgence, il a semblé privilégier la négociation, et non la force, pour mettre fin à l'occupation du siège du gouvernement depuis une semaine.

«Si nous utilisons des moyens militaires pour régler ce problème, cela ne serait pas acceptable. Cette porte est totalement fermée», a-t-il dit.

Dans la nuit, des milliers de manifestants pro et anti-gouvernementaux --certains casqués et armés de barres de fer-- se sont affrontés à Bangkok, selon la police qui a fait état de coups de feu et a demandé à l'armée de lui prêter main forte.

Les deux groupes de manifestants se sont opposés violemment non loin du siège du gouvernement, occupé depuis le 26 août par des milliers de partisans de l'Alliance du peuple pour la démocratie (PAD), coalition hétéroclite de militants nationalistes, royalistes et syndicaux.

La PAD réclame le départ de Samak Sundaravej, qu'elle accuse d'être la «marionnette» de l'ancien premier ministre de Thaïlande, Thaksin Shinawatra, renversé par un putsch militaire en 2006 et réfugié en Grande-Bretagne à la suite d'accusations de corruption et d'irrespect envers la monarchie.

Peu après la proclamation de l'état d'urgence, le principal leader des manifestants a exhorté 5000 de ses partisans à ne pas céder.

«Vous ne devez pas avoir peur de l'état d'urgence», a lancé Sondhi Limthongkul, fondateur de la PAD, dont les militants restent barricadés à l'intérieur du siège du gouvernement.

Samak Sundaravej, jusqu'ici réticent à recourir à la force pour déloger les manifestants, a exhorté les protestataires à évacuer les lieux.

«Ils doivent être délogés de Government House», a déclaré M. Samak depuis le quartier-général de l'armée.

«Je n'avais d'autre choix que de déclarer l'état d'urgence à Bangkok pour régler le problème une fois pour toutes. L'armée et la police feront appliquer (la mesure d'exception)», a-t-il ajouté, excluant la démission ou la dissolution du Parlement.

La principale confédération syndicale, la State Enterprises Workers' Relations Confederation (43 syndicats, 200 000 membres), a appelé à des débrayages à partir de mercredi, menaçant de couper l'eau et l'électricité aux agences du gouvernement.

En 2006, la PAD avait contribué, également par des actions dans la capitale thaïlandaise, à déstabiliser M. Thaksin avant son renversement par l'armée.

Le parti de M. Samak, dominé par des lieutenants de M. Thaksin, a largement remporté en décembre dernier les premières élections législatives depuis le putsch.