À l'issue d'un sommet « extraordinaire » tenu à Bruxelles, l'Union européenne (UE) a annoncé hier qu'elle suspendait les pourparlers relatifs à un accord de partenariat renforcé avec la Russie pour protester contre l'intervention du pays en Géorgie.

Les dirigeants de l'organisation ont indiqué qu'aucune réunion à ce sujet ne serait tenue tant que les troupes russes ne se seront pas retirées aux positions antérieures au déclenchement des hostilités en Ossétie-du-Sud, région séparatiste géorgienne.

Le président français Nicolas Sarkozy, qui chapeaute l'UE, a indiqué qu'il n'était pas opportun à l'heure actuelle de recourir à des sanctions formelles.

« Ne lançons pas une guerre froide, ne montrons pas les biceps. Les démonstrations de force, les rodomontades... cela ne servira personne », a-t-il déclaré.

Les pays membres de l'UE ont par ailleurs annoncé la tenue d'une conférence pour aider à la reconstruction de la Géorgie, où se tenait hier une importante manifestation pour dénoncer « l'agression russe ».

La semaine dernière, le ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, s'était fait plus menaçant envers Moscou en soulignant que des « sanctions » pourraient être approuvées au cours du sommet. Il avait été rapidement démenti à ce sujet.

À quelques jours de la rencontre, l'ex-diplomate anglais Chris Patten, responsable des relations extérieures de l'UE pendant cinq ans, avait déclaré pour sa part qu'une prise de position musclée de la part des chefs d'État européens était improbable.

« La Russie sait que l'Europe parle mais n'agit pas lorsqu'il est question de politique étrangère et de sécurité », a-t-il déclaré.

Laure Delcour, spécialiste des relations entre l'UE et la Russie à l'Institut des relations internationales et stratégiques de Paris, estime que les dirigeants européens disposent d'une « marge de manoeuvre très limitée » dans ce dossier.

Les pays membres, souligne-t-elle, se divisent actuellement en deux blocs qui préconisent une approche radicalement différente.

D'un côté, la Grande-Bretagne et plusieurs ex-pays de l'Union soviétique soupçonnent Moscou de vouloir étendre son influence à ses frontières et réclament de réelles mesures de rétorsion.

Durant la fin de semaine, le premier ministre anglais Gordon Brown avait plaidé pour une « révision en profondeur » des relations avec la Russie qui passerait notamment par l'exclusion du pays des rangs du G8. Il y a quelques jours, dans les pages du quotidien Le Monde, le président de l'Estonie, Toomas Hendrick Ilves, a souligné qu'il fallait « repenser l'idée même de sécurité en Europe ».

Des pays fondateurs de l'UE comme la France, l'Allemagne et l'Italie plaident pour leur part pour la modération. L'Europe, a déclaré le ministre des Affaires étrangères allemand, Frank-Walter Steinmeir, ne se « ferait mal qu'à elle-même » si elle réagissait de manière émotive en « claquant la porte ».

Dans le contexte, « la seule voie restante semble être celle du discours ferme, mettant en évidence que la Russie a beaucoup à perdre, notamment en matière d'influence internationale », indique Mme Delcour.

La question énergétique n'est pas étrangère à l'approche prudente préconisée par certains chefs d'État puisque les entreprises russes fournissent le tiers du pétrole et 40 % du gaz de l'UE. Le facteur joue dans les deux sens puisque la majeure partie des exportations russes sont dirigées vers l'Europe.

Moscou a par ailleurs besoin des technologies et des investissements de l'Ouest et ne peut, au dire de Mme Delcour, espérer contourner « l'interdépendance » existante en développant ses liens avec la Chine ou l'Inde.

À défaut de sanctionner la Russie, certains analystes pressent l'UE de renforcer ses liens avec les pays limitrophes, comme l'Ukraine, pour réduire le risque d'éclatement d'autres « conflits gelés » comme ceux de l'Abkhazie et de l'Ossétie-du-Sud.

« L'élargissement de l'UE était une bonne idée avant la guerre en Géorgie et le conflit n'a fait que souligner son importance », souligne Tomas Valasaek, spécialiste des questions de défense au Center for European Reform de Londres.

Un tel élargissement devrait se faire en dialogue avec Moscou, qui se méfie beaucoup plus des visées expansionnistes de l'OTAN que de celles de l'Europe, prévient Mme Delcour.

« Pour la Russie, l'OTAN est une institution complètement dépassée qui aurait dû disparaître à l'époque de la guerre froide », souligne la spécialiste.