Yasuo Fukuda, devenu premier ministre du Japon après une longue carrière politique et qui a démissionné lundi, n'a jamais réussi à s'imposer face à une opposition turbulente ni à convaincre une opinion publique décontenancée par les errements du parti au pouvoir.

Arrivé fin septembre 2007 à la tête de la deuxième puissance économique mondiale, M. Fukuda, fils d'un ancien premier ministre, avait succédé à Shinzo Abe, dont le mandat, d'à peine un an lui aussi, avait été marqué par plusieurs scandales.

Beaucoup plus expérimenté -71 ans contre 52 ans pour M. Abe, au moment de leur prise de fonctions- Fukuda, modéré, se voulait un homme pragmatique, désigné par son parti pour rassurer l'opinion. Quelque 60% des Japonais lui accordaient du crédit lorsqu'il est devenu premier ministre et président du Parti libéral démocrate (PLD, droite), mouvement qui dirige le Japon depuis 1955, quasiment sans interruption.

Mais M. Fukuda a dû essuyer les plâtres de la nouvelle donne politique engendrée par la victoire aux élections sénatoriales de juillet 2007 du principal parti d'opposition, le Parti démocrate du Japon (PDJ, centre). Une défaite historique pour le PLD.

Avec le contrôle de la chambre haute du Parlement, le PDJ a pu faire obstruction à nombre de ses projets.

À peine installé, M. Fukuda a ainsi dû piteusement rappeler au pays une mission navale assurant le ravitaillement de la coalition internationale engagée en Afghanistan dans l'océan Indien, faute de pouvoir la reconduire à temps avec l'assentiment de la chambre haute.

Il a en conséquence été contraint d'utiliser, pour la première fois depuis plus de 50 ans, une disposition constitutionnelle permettant au pouvoir de passer outre l'opposition du Sénat, en faisant voter la loi nécessaire par les deux tiers de la chambre des députés acquise à sa cause.

Ce «passage en force» peu apprécié des Japonais, partisans du consensus, a de nouveau été nécessaire au printemps pour rétablir une surtaxe de l'essence.

Le premier ministre a été alors accusé de ne pas s'attaquer aux disparités sociales attribuées aux réformes libérales de l'ancien premier ministre Junichiro Koizumi (2001-2006).

Pire, M. Fukuda s'est mis à dos une partie de l'électorat âgé, important dans un Japon vieillissant. Outre un scandale non résolu de déclarations de retraite mal enregistrées par l'administration, il a fait adopter un nouveau plan de couverture médicale qui peut, dans certains cas, entraîner une hausse des frais médicaux pour les personnes très âgées.

Sur tous ces dossiers, le président du PDJ, Ichiro Ozawa, a souvent réussi à faire passer le premier ministre pour un homme froid, coupé des difficultés quotidiennes des Japonais moyens.

«Pour être honnête, je ne sais pas quoi faire. Je veux dialoguer, mais il n'y a pas de réponse» de l'opposition, reconnaissait M. Fukuda en mars, décontenancé par la pugnacité de son adversaire.

Dans ce contexte, le réchauffement des relations du Japon avec son voisin chinois n'a pas pesé lourd, et M. Fukuda s'est en outre attiré des accusations de faiblesse dans les rapports avec le turbulent voisin nord-coréen.

Sa chute dans les sondages a été vertigineuse, jusqu'à descendre aux alentours de 20% au printemps, M. Fukuda devenant le dirigeant le plus impopulaire depuis Yoshiro Mori en 2001.

Le premier ministre n'a par conséquent jamais pu prendre le risque politique de convoquer des élections législatives anticipées, comme l'y poussait le PDJ.

«Le cabinet Fukuda n'est pas en position de dissoudre la Chambre des députés, nous n'avons donc pas d'autre choix que de le pousser à la démission», déclarait M. Ozawa dès le mois de mars.