À 6 ans, Shurame ne pèse que 9 kilos et son état de malnutrition aiguë ne s'améliore pas. Comme des millions d'autres Ethiopiens, cette petite fille souffre de graves pénuries alimentaires provoquées par une sécheresse qui s'est encore une fois abattue sur le pays.

«Elle est très malade. Ils disent qu'elle souffre d'un retard de croissance (...) elle va peut-être être transportée dans un autre hôpital à cause de ses multiples complications», explique à l'AFP avec désespoir le père de Shurame, Tunsissa Ibira, en berçant sa fille chétive enveloppée dans une couverture.

Malgré les neuf jours de soins dans la clinique Yirba, l'état de Shurame ne s'améliore pas.

«Je ne veux pas voir ma fille mourir», lâche de son côté Dare Lanqama, en serrant contre elle sa fille malade âgée de trois ans.

Des dizaines de patients ont afflué ces derniers mois dans cette clinique de Boricha, une ville de 213 000 habitants à environ 300 km au sud d'Addis Abeba, dans la région des nations, nationalités et peuples du Sud (SNNPR).

Le taux de malnutrition aiguë a atteint 20% à Boricha ces derniers mois.

Dans la localité voisine de Kuyera, l'organisation Médecins sans Frontières (MSF) a soigné plus de 1.600 enfants depuis l'ouverture de son centre en mai. «Nous accueillons environ 20 enfants par jour», indique Gemma Difilippo, infirmière à MSF.

Cette sécheresse replonge les 81 millions d'Ethiopiens dans les sombres souvenirs des terribles famines des années 80 qui avaient fait des millions de morts, notamment à cause des déplacements forcés organisés par le régime du colonel Mengistu Hailé Mariam.

Le responsable des affaires humanitaires de l'ONU, John Holmes, est arrivé lundi pour une visite de trois jours et doit visiter les régions d'Ethiopie les plus affectées.

Actuellement, au moins 75 000 enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition et 8 millions de personnes ont besoin d'une aide alimentaire d'urgence, selon l'ONU.

La raison est une grave sécheresse affectant le sud de l'Éthiopie à cause d'un déficit de précipitations ayant marqué la dernière saison des pluies (février à avril). Ce pays de la Corne de l'Afrique souffre de façon récurrente d'une alternance d'inondations catastrophiques et de graves sécheresses.

En juin, l'ONU avait lancé un appel de fonds de 221,6 millions d'euros. Seuls 52% des fonds ont été couverts.

«La saison des pluies a été insuffisante. La sécheresse a endommagé nos récoltes et nous n'avons rien à manger», explique M. Ibira.

«La dernière saison des pluies a été mauvaise. Il est évident que de nombreuses personnes en Ethiopie continueront à avoir des problèmes en terme de sécurité alimentaire», a déclaré à l'AFP Bjorn Ljungqvist, représentant de l'Unicef en Éthiopie.

Des dizaines de milliers d'habitants de Boricha font régulièrement la queue dans les rares points de distribution de nourriture.

Mais sur les 45.000 personnes ayant besoin d'aide alimentaire, seuls 38 000 reçoivent cette aide du fait d'un déficit dans l'assistance du gouvernement.

«Nous sommes en permanence impliqués dans des conflits avec les bénéficiaires étant donné que nous devons déterminer à qui nous devons délivrer de l'aide alimentaire à cause de ces pénuries» d'aide, explique Tesfaye Bekele, fonctionnaire du gouvernement.

Aucune solution rapide n'étant en vue, les habitants tablent sur la récolte espérée de septembre, même s'ils n'y croient qu'à moitié.

«Avant, on obtenait 300 kilos de maïs de notre terre. Maintenant, on ne récolte que 100 kilos à cause de l'insuffisance des pluies», déplore Anero Argo, agriculteur.

«Il faudra que je trouve un autre travail si les pluies font encore défaut en septembre», lance-t-il.