Le président conservateur mexicain Felipe Calderon a franchi un pas dans la lutte contre le crime organisé et la corruption en appelant dimanche à la formation de «comités citoyens» locaux de «vigilance» et de «dénonciation».

«Je ne m'intéresse pas seulement à la mise en place d'instances citoyennes au niveau national, mais à ce qu'existent aussi des instances de vigilance et des exigences citoyennes dans chaque Etat et dans les plus grandes villes, qui puissent servir à dénoncer et promouvoir une culture de participation et de dénonciation», a-t-il déclaré dans un message officiel aux médias.

Ce n'est qu'une suggestion du président, car il n'a pas compétence légale pour l'installation de telles instances à l'échelon des Etats et des villes du pays.

Il s'agit de l'essentiel des mesures nouvelles qu'il a annoncées au cours d'un entretien avec les organisateurs de la «Marche blanche» de samedi au Mexique contre la criminalité, le «narcotrafic», les enlèvements et la corruption policière, qui avait conduit 200 000 manifestants silencieux dans les rues de Mexico, et des dizaines de milliers à travers le pays.

Des marches similaires avaient rassemblé plusieurs centaines de milliers de manifestants dans la capitale en 1997 et en 2004.

Les organisateurs de la «Marche» ont toutefois exprimé leur satisfaction à l'issue de leur entretien avec le président, ajoutant qu'il avait également annoncé l'élaboration d'une «carte nationale de la criminalité».

Au départ de la manifestation à Mexico, samedi soir, des banderoles affichaient des slogans mettant vertement en cause l'inefficacité des autorités face au crime organisé. «Autant que les putains nous gouvernent, nous jugent et nous condamnent, puisque leurs fils nous ont lâchés», lisait-on sur l'une d'entre elles.

Le président, de son côté, a déploré le manque d'implication de la population, voire son apathie face au crime organisé.

Il est vrai que les méthodes des cartels de la drogue sont pour le moins dissuasives: 12 corps décapités, des délinquants identifiés par la suite, découverts jeudi, quatre autres vendredi, et, samedi, deux soeurs retrouvées décapitées.

«Le président a lu chacune de nos observations, et il s'est engagé dans les domaines où il le pouvait, tandis que dans les autres il nous a donné ses explications. Nous sommes très satisfaits du résultat de cette réunion, nous croyons que c'est un important pas en avant», a déclaré dimanche aux journalistes Alberto Nuñez, président de l'organisation «Société en mouvement».

Pour le reste, lors de cet entretien, le président Calderon a essentiellement rappelé les engagements pris le 21 août par un sommet national des trois pouvoirs, l'exécutif, le législatif et le judiciaire, consacré à la lutte contre le crime organisé.

Le sommet avait abouti à la signature d'un accord national contre l'insécurité, dans lequel les autorités s'engagent à «nettoyer» les forces de police, lancer des stratégies contre le blanchiment d'argent et le trafic de drogue, y compris à petite échelle, et promulguer une loi anti-séquestrations.

L'accord prévoit aussi la création d'un Observatoire citoyen de contrôle de ses objectifs.

Les organisateurs et les manifestants de la «Marche» réclament des autorités des mesures plus efficaces contre la violence, liée essentiellement au trafic de drogue. Elle a déjà fait 2712 morts depuis le début de 2008, en particulier dans l'Etat de Chihuahua (nord). Ce bilan dépasse déjà celui de l'ensemble de l'année 2007.

Les enlèvements contre rançon sont également devenus monnaie courante au Mexique: 323 cas officiellement enregistrés pendant le premier semestre 2008, 438 sur l'ensemble de 2007.