Six mois après l'indépendance du Kosovo, la Serbie entend se battre sur le terrain du droit international pour contester la perte de sa «province», espérant que la communauté internationale soit amenée un jour à réexaminer cette indépendance.

Belgrade a entrepris une offensive diplomatique pour qu'une majorité d'États membres de l'Assemblée générale des Nations unies, en septembre, décide d'en appeler à la Cour internationale de justice (CIJ) pour qu'elle se prononce sur la proclamation d'indépendance du Kosovo, le 17 février, que la Serbie considère comme illégale.

L'avis de la Cour, qui juge les différends entre les États, est non contraignant, mais le ministre serbe des Affaires étrangères, Vuk Jeremic, a expliqué mercredi que la Serbie voulait par son initiative, dans un premier temps, «stopper toute nouvelle reconnaissance de cet acte illégal».

«Le bénéfice à court terme, c'est que les pays qui n'ont pas encore reconnu l'indépendance unilatérale du Kosovo ne le feront pas tant que la CIJ n'aura pas examiné la question», a expliqué le ministre à la télévision Pink.

Quarante-cinq États, dont vingt des 27 pays membres de l'Union européenne (UE) et les États-Unis, ont reconnu jusqu'ici l'indépendance du Kosovo.

Belgrade considère toujours le Kosovo comme l'une de ses provinces et estime que son indépendance, sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU, constitue une atteinte à sa souveraineté.

M. Jeremic s'est déclaré convaincu que la CIJ considérerait la déclaration d'indépendance du Kosovo comme «non conforme à la loi» et que cela fournira, sur le «long terme», la possibilité de «revenir à la table des négociations» sur le statut du Kosovo.

Si la CIJ déclare illégale l'indépendance du Kosovo, les États ayant reconnu les autorités de Pristina ne reviendront pas sur leur décision, mais cela «les forcera à faire marche arrière et à trouver une solution», estimait récemment dans l'hebdomadaire Nin le secrétaire d'État serbe pour le Kosovo, Oliver Ivanovic.

M. Jeremic a cependant admis vendredi dans l'hebdomadaire Standard qu'il sera «très difficile» pour Belgrade d'obtenir la majorité des voix à l'Assemblée générale de l'ONU pour que l'initiative serbe aille à la CIJ.

«Pour être tout à fait honnête, cela va être très difficile», a-t-il dit en relevant que «certains pays très influents» pourraient entraver la démarche de Belgrade.

Le ministre n'a pas désigné nommément ces pays mais il faisait allusion aux principaux pays de l'UE qui ont reconnu l'indépendance du Kosovo.

Une source gouvernementale serbe avait reconnu que la Serbie subissait une «pression de certains pays de l'UE» pour qu'elle renonce à son appel devant la CIJ.

L'ambassadeur britannique à Belgrade, Stephen Wordsworth, avait qualifié l'initiative serbe d'«erreur» à l'égard de l'UE, estimant qu'elle rendrait «difficile» la coopération pour la poursuite de l'intégration de la Serbie à l'UE, dans une interview diffusée début août dans un quotidien serbe.

Le nouveau gouvernement pro-européen serbe fait de son intégration à l'UE l'autre axe fondamental de son action.

Sur la question de la Mission européenne de police et de justice (EULEX), dont le déploiement au Kosovo tarde, en raison notamment de l'opposition de la Russie, la même source gouvernementale serbe a indiqué que Belgrade pourrait accepter sa présence et son déploiement si la mission européenne faisait toutefois partie de la Mission de l'ONU (Minuk) au Kosovo.

Pour l'instant, il est fort probable qu'EULEX «sera déployée dans les zones albanaises du Kosovo, tandis que la Minuk renforcera son personnel dans les zones serbes et le réduira dans les zones albanaises», a ajouté cette source.