Alors que des milliers d'opposants continuent d'occuper le siège du gouvernement à Bangkok, le Premier ministre thaïlandais Samak Sundaravej est confronté à un dilemme sur un éventuel recours à la force, mais des analystes pensent qu'il pourrait surmonter la crise, sans coup férir.

Ces experts estiment qu'il pourrait même tirer profit des actions musclées et de la stratégie de la confrontation poursuivies par ses adversaires de l'Alliance du peuple pour la démocratie (PAD) qui ont suscité, pour la première fois, de vives critiques dans une presse généralement hostile au gouvernement.

M. Samak, dirigeant conservateur de 73 ans connu pour son franc-parler, est devenu Premier ministre du royaume de Thaïlande il y a à peine sept mois. Son élection, acquise confortablement, avait suscité des espoirs de stabilisation du pays après un coup d'Etat --le premier depuis 1991-- et une année et demie d'administration militaire.

Mais le Premier ministre s'est vite retrouvé enferré dans un conflit lié à son prédécesseur, l'homme d'affaires Thaksin Shinawatra, qui a gouverné la Thaïlande de 2001 à 2006 avant d'être renversé par des généraux royalistes à la suite d'accusations de corruption. Il s'est depuis réfugié en Grande-Bretagne.

La PAD, coalition hétéroclite de nationalistes, de royalistes et de militants sociaux, avait largement contribué, par ses manifestations, à déstabiliser M. Thaksin dans les mois ayant précédé le putsch de 2006.

Dès avant son élection, M. Samak a été accusé d'être un «homme lige» de M. Thaksin et les adversaires du gouvernement se sont aussitôt mobilisés sur ce thème pour exiger sa démission.

Les activistes de la PAD ont certes marqué des points en accentuant la pression sur M. Samak depuis le mois de mai, mais la prise d'assaut mardi du siège du gouvernement et d'une chaîne de télévision publique a soulevé une certaine réprobation parmi les habitants de la capitale qui leur étaient pourtant favorables.

«Le chaos qu'ils ont créé a mis en lumière le fait qu'ils appartiennent à une frange de population de plus en plus désespérée», estime l'analyste Michael Montesano, maître-assistant à la National University of Singapore.

Jeudi, dans le Bangkok Post, Pokpong Lawansiri de Forum Asia, groupe de défense des droits de l'Homme actif dans le Sud-Est asiatique, a accusé la PAD d'abandonner le combat pour la protection des déshérités et de se concentrer sur des «questions superficielles».

M. Samak, vieux routier de la politique thaïlandaise accusé d'avoir été impliqué dans la répression sanglante d'une manifestation étudiante en 1976, a surpris en jurant dès mardi soir qu'il n'aurait pas recours à la force contre les manifestants de la PAD et qu'il utiliserait les tribunaux pour les faire partir de «Government House».

Cette tactique semble payer, estiment des analystes qui avertissent cependant que même s'il surmonte la crise actuelle, le Premier ministre fera face à de nombreux défis qui pourraient, à terme, faire tomber son gouvernement.

Depuis juillet, deux ministres ont été contraints de démissionner après des décisions de justice. Mais, pour M. Samak, la principale inconnue concerne ses relations avec l'armée et le palais royal, estime Thitinan Pongsudhirak, analyste et professeur à l'université Chulalongkorn de Bangkok.

«Pour l'heure, il a réussi à protéger ses arrières en soignant ses relations avec les militaires. Sur ce point, il a coincé la PAD».