Abandonnant les tentatives de dialogue avec l'opposition, le président socialiste bolivien, Evo Morales, a décidé de passer en force en convoquant début décembre un nouveau référendum pour approuver une nouvelle Constitution qualifiée par les libéraux d'«indigéniste et étatiste».

Premier chef d'État d'origine indienne, Evo Morales a convoqué jeudi soir par décret un référendum pour le 7 décembre prochain afin d'approuver son projet de Constitution destinée à «refonder la Bolivie» et «consolider le processus de changement».

Fort de ses 67% au référendum révocatoire du 10 août dernier, M. Morales a décidé de délaisser les tentatives de négociations avec les cinq gouverneurs de régions farouchement opposés à ce projet de Constitution.

L'opposition avait demandé mercredi une intervention de l'OEA (Organisation des états américains) et de l'église catholique pour organiser un dialogue en Bolivie, le pays le plus pauvre d'Amérique du sud. Le gouvernement ne souhaite pas de médiation de l'Union européenne ou d'autres pays, explique-t-on de sources diplomatiques à La Paz.

Les gouverneurs de Santa Cruz (est) et de Tarija, les régions les plus riches du pays, ainsi que ceux de Pando et Beni au nord et Chuquisaca (centre) exigent notamment dévolution de l'impôt sur les hydrocarbures (IDH) que le gouvernement a affecté aux retraites des personnes âgées.

«Evo Morales a abandonné son attitude conciliante qu'il avait au lendemain du référendum» déclare à l'AFP le sociologue Franck Poupeau, chercheur de l'IFEÀ (Institut français d'études andines) basé à La Paz, en ajoutant que «ce n'est pas trop dans les moeurs boliviennes de faire appel à l'extérieur pour négocier».

Le président a convoqué conjointement un second référendum lié au dossier sensible de la réforme agraire afin de fixer la taille maximum des grandes exploitations agricoles de Bolivie (10 millions d'habitants) à 5000 ou 10 000 hectares.

Cette «loi sur les terres, les propriétaires terriens ne peuvent l'accepter, ce serait un trop gros coup dur porté à leur pouvoir local», note M. Poupeau.

Les grands propriétaires de Santa Cruz ou de Beni, qui possèdent parfois des dizaines de milliers d'hectares de soja seront particulièrement touchés par cette nouvelle réforme agraire qui devrait figurer dans la nouvelle Constitution.

Autre point en litige: la place des autonomies. Les gouverneurs de régions veulent imposer dans la Constitution un statut d'autonomie le plus large possible ce que refuse le gouvernement de gauche La Paz. Les chefs d'entreprise et les Chambres de commerce critiquent ce renforcement des pouvoirs de l'État et particulièrement l'étatisation des ressources naturelles et de l'économie en générale. Enfin l'opposition conteste vivement la possibilité qu'offre le projet de Constitution d'une réélection de M. Morales jusqu'en 2019.

Les cinq gouverneurs opposés au gouvernement de gauche ont déjà décidé par avance de ne pas participer à ce «référendum illégal» et de l'empêcher dans leurs régions respectives.

Dans un entretien avec l'AFP, le politologue Hervé Do Alto estime qu'«il existe maintenant une volonté du gouvernement de passer à l'offensive et de reprendre la main». «Le rapport de force parait défavorable» aux gouverneurs opposés au président Morales, note ce chercheur en sciences politiques de l'Université d'Aix en Provence.

«En Bolivie, on a chaque fois l'impression que c'est la guerre civile mais la pression retombe, je pense que l'on peut encore négocier sur les autonomies et sur l'IDH» conclut pour sa part, M. Poupeau.