La Presse a interrogé le politologue de l'Université de Sherbrooke Sami Aoun au sujet de la plus récente crise politique qui secoue cette puissance nucléaire dont le destin demeure crucial pour les États-Unis. L'expert se dit plus optimiste pour l'avenir du pays que pour le sort de son président, Pervez Musharraf.

Q Le président Musharraf risque-t-il véritablement d'être destitué?

R Oui. Cette fois il y a une forte probabilité. Parce que la coalition gouvernementale - formée par les deux partis: celui de Benazir Bhutto, qui a été assassinée, ainsi que celui de l'ancien premier ministre Nawaz Sharif - est vraiment majoritaire. Et Musharraf a commis beaucoup d'erreurs. Il a par exemple commis lui-même des infractions à la Constitution en obligeant des juges à démissionner. Cette probabilité pourrait cependant s'amenuiser pour une raison majeure. Il faut obtenir les deux tiers (des voix) dans chacune des deux chambres du Parlement pour le destituer. Et au Sénat, on n'atteindra peut-être pas les deux tiers.

Q Pourquoi l'opposition veut-elle tellement se débarrasser de lui?

R Il y a d'abord une question de revanche. Musharraf a évincé du pouvoir Nawaz Sharif, qui a une haine personnelle à son égard. Au sein du parti de Benazir Bhutto, on estime que Musharraf n'a pas tenu promesse parce qu'il ne l'a pas protégée. Mais il y a quelque chose de plus profond. La coalition sent que Musharraf n'est plus l'homme des Américains.

Q Vous avez l'impression que le soutien traditionnel offert par Washington à Musharraf est en train de s'effriter?

R Musharraf n'a pas été au niveau des attentes des Américains sur un dossier majeur: celui de contribuer à la stabilité de l'Afghanistan. Il a failli à ses promesses. Maintenant, avec le nouveau général américain Petraeus (à la tête du commandement central pour toutes les opérations militaires américaines au Moyen-Orient), l'Afghanistan est une priorité majeure.

Q Après la mort de Benazir Bhutto, certains prévoyaient l'éclatement du pays. Êtes-vous plus optimiste aujourd'hui?

R Certainement. Il n'y a pas de goût pour la guerre civile au Pakistan. L'entité pakistanaise reste solide. Les dernières élections ont prouvé que les partis de la coalition gouvernementale sont représentatifs des plus larges portions du pays.