Plus de 60 ans après sa mort, Adolf Hitler demeure une importante source de malaise en Allemagne.

Le musée Madame Tussauds l'a constaté à ses dépens début juillet en inaugurant à Berlin un nouvel établissement dans lequel figurait une statue de cire du tristement célèbre dictateur nazi.

Quelques minutes à peine après l'ouverture officielle, l'un des visiteurs a arraché la tête du «Führer», représenté dans le bunker berlinois où il s'est enlevé la vie en avril 1945.

Bien que l'homme de 41 ans ait crié «Plus jamais la guerre!», la direction du musée affirme que son geste n'était pas politique.

«Des amis l'avaient mis au défi de s'attaquer à la statue. C'était un simple pari», explique à La Presse une porte-parole, Natalie Ruoss.

L'installation d'une statue d'Hitler a néanmoins suscité une véritable levée de boucliers dans la classe politique allemande.

Le chef du groupe parlementaire de la CDU, parti conservateur, a déclaré au journal Bild qu'il craignait de voir l'exposition se «transformer en lieu de pèlerinage pour l'extrême droite». Le secrétaire d'État à la Culture, André Schmitz, a parlé d'une oeuvre de «mauvais goût».

Attraction touristique?

Stéphane Kramer, secrétaire général du Conseil central des juifs d'Allemagne, a déclaré aux médias allemands qu'Hitler «ne devrait pas devenir une attraction touristique». Il a cependant souligné que l'initiative du musée pouvait valoir la peine si elle permettait de «démythifier» le défunt dictateur.

Les dirigeants de Madame Tussauds, selon Mme Ruoss, étaient bien conscients qu'il s'agissait d'une «question sensible» en Allemagne. «C'est pourquoi nous avions pris soin de procéder de manière sensible», explique-t-elle.

Le dictateur avait été représenté au moment de sa chute, alors que Berlin est sur le point de tomber aux mains des Alliés, dans une salle où figure une brève note rappelant les exactions de son régime. D'autres statues, dans la même section, rappellent l'action d'opposants allemands au nazisme et d'hommes politiques importants de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide qui a suivi.

La statue d'Hitler, qui sera remise en place une fois la réparation complétée, avait été placée derrière une table de manière à ce que les visiteurs ne puissent prendre la pose à ses côtés. Un avis placé à l'entrée de l'aile où elle se trouve normalement invitait d'ailleurs expressément les touristes à ne pas prendre de photos avec le dictateur «par respect pour les millions de personnes mortes durant la Seconde Guerre mondiale».

Malgré ces précautions, Mme Ruoss dit comprendre les critiques suscitées par la représentation d'Hitler.

«Il a fait souffrir beaucoup de gens... Mais on ne pouvait pas l'exclure de l'exposition. On aurait donné l'impression de vouloir seulement montrer les bons côtés de notre passé», indique la porte-parole.

Sujet tabou

«Il fait partie de l'histoire, comme Erich Honecker (ex-dirigeant communiste de la République démocratique allemande)», a commenté Corinna Richter, rencontrée au musée qui ne trouve rien à redire à la présence d'une statue d'Adolf Hitler.

Elle venait de prendre en photo sa fille Franziska, qui a placé deux doigts sous son nez pour simuler la moustache du dirigeant nazi après s'être placée devant la table où se trouvait sa représentation de cire.

Une polémique similaire à celle qui touche le musée avait éclaté l'année dernière en Allemagne lors de la sortie du film à succès La chute, qui retraçait les derniers jours du dictateur nazi dans son bunker berlinois.

Un quotidien de la capitale a alors demandé s'il était acceptable «de faire le portait d'un homme responsable de la mort de 40 millions de personnes». Des intellectuels ont fustigé l'absence de mise en perspective historique, le cinéaste Wim Wenders allant jusqu'à accuser le réalisateur «d'édulcorer la réalité».

Un réalisateur suisse, Dani Levy, a également suscité beaucoup de critiques en tournant une comédie sur Hitler intitulé Mon Führer. Il s'est plaint d'avoir reçu un accueil «très dur» des élites allemandes.

Ce type de polémique exaspère Wolfgang Mayer, 60 ans, croisé au musée Tussauds dans la pièce où figurait la statue de cire d'Adolf Hitler.

«Je m'attendais à une histoire du genre avec cette statue. C'est toujours la même chose. On n'en a pas fini avec ça», a déclaré sèchement le visiteur, qui n'avait visiblement aucune envie de s'étendre sur le sujet.