Le gouvernement du premier ministre Manmohan Singh affronte aujourd'hui sur la coopération nucléaire civile avec les États-Unis un vote de confiance qui s'annonce crucial pour sa survie et, à en croire promoteurs et opposants du projet, pour l'avenir du pays.

Finalisé en 2006 comme pierre angulaire du rapprochement entre les États-Unis et l'Inde lors d'une visite du président George W. Bush à Delhi, l'accord a poussé les communistes à lâcher le Parti du Congrès de Singh, minoritaire depuis les législatives de 2004.

Les communistes, qui ont 59 sièges, maintiennent, avec le BJP hindouiste, le principal parti d'opposition, que l'accord compromet l'indépendance de l'Inde et son programme nucléaire militaire. Ils affirment que l'Inde peut progresser dans ce domaine sans cet accord.

Pour Singh, qui dirige 224 députés à la Chambre basse, l'accord arrive à point pour les besoins énergétiques de l'Inde et il ouvre de brillantes perspectives au secteur nucléaire du pays. Il ne menace pas l'indépendance de l'Inde, affirme-t-il.

Singh, qui a investi sa crédibilité dans ce projet mais qui a besoin de 272 voix pour survivre (sur 543 élus), a arraché le soutien du parti Samajwadi (39 élus), vieil ennemi du Congrès dans les États clés d'Uttar Pradesh et du Bihar.

« Nous allons prouver notre majorité au Parlement », a déclaré Singh hier avant l'ouverture du débat. « Ce gouvernement est un malade aux soins intensifs tant l'accord nucléaire paralyse son action. Il est temps de le renverser », a affirmé Lal Krishna Advani, chef du BJP.

Malades et criminels

Les deux camps ont mobilisé jusqu'aux députés malades et emprisonnés pour crimes divers afin qu'ils participent au vote, comme le permet la Constitution.

Un député du BJP se remet d'une opération à coeur ouvert à Bombay, un autre a été opéré au genou à Los Angeles, un troisième blessé dans un accident de voiture attend l'avis de ses médecins. Deux députés proches du Congrès sont emprisonnés à vie pour meurtre, deux autres, du Samajwadi, sont aussi en prison.

L'accord, appelé 123 parce qu'il amende la section 123 de la Loi américaine de 1954 sur l'énergie atomique, renverse un embargo de 30 ans et donne à l'Inde accès à la technologie nucléaire civile des États-Unis et aux matériels et équipements requis par son programme.

En contrepartie, l'Inde doit soumettre ses installations civiles au contrôle de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique). Et, même si elle a retiré son programme militaire du mandat de l'accord, celui-ci sera annulé si elle mène des essais nucléaires. Elle devra aussi restituer tout le carburant fissile et toute la technologie qu'elle aura reçus en vertu de l'accord.

L'Inde mène actuellement des négociations avec l'AIEA et avec les 45 pays du Groupe des fournisseurs nucléaires (NSG).

Washington surveille

L'opposition démocrate au Congrès rejette l'accord, qu'elle juge trop généreux. L'administration Bush, qui mise sur une alliance stratégique avec l'Inde, s'est démenée vivement à Delhi pour vendre l'accord aux députés indiens.

« À des milliers de kilomètres de la crise indienne, les promoteurs américains de l'accord surveillent le vote, les doigts croisés », écrit le site indien ndtv.com. « Si l'accord passe, nous allons aussitôt le vendre au Congrès », a dit Sudhakar Shenoy, fondateur du Conseil républicain indo-américain.

Les analystes à Delhi estiment que la partie va se jouer sur le fil du rasoir. Une défaite du gouvernement précipitera l'Inde vers des élections anticipées, un an avant terme. En cas d'égalité, le président de la Chambre, Somnath Chatterjee, tranchera ; et c'est un communiste.

Mais si le gouvernement gagne, il en sortira affaibli et il devra aussitôt entamer les préparatifs des législatives de 2009, car les investisseurs, moroses, attendent les prochaines élections avant de se brancher, estime forbes.com.