Faute d'alternative, le roi des Belges a maintenu le premier ministre démissionnaire Yves Leterme, mais a chargé trois «sages» de préparer rapidement la réforme de l'État exigée par les Flamands pour continuer à cohabiter avec les francophones au sein du même pays.

Albert II a annoncé tard jeudi soir qu'il refusait la démission de M. Leterme et que le gouvernement de coalition, formé en mars après moultes difficultés, était donc reconduit dans ses fonctions.

Le chrétien-démocrate flamand sera cependant largement déchargé du dossier sur lequel il patine depuis le début, le casse-tête de la réforme de l'État censée renforcer l'autonomie des régions, que la première d'entre elles, la Flandre, réclame à cor et à cri.

Trois «sages» sont chargés spécialement de cette mission. Parmi eux, deux personnalités politiques francophones d'expérience, assez âgées pour avoir connu une Belgique unitaire avant la série de réformes qui ont abouti en 1993 à une Belgique fédérale: le Bruxellois François-Xavier de Donnea, 67 ans, et le Wallon Raymond Langendries, 64 ans.

Le troisième homme est ministre-président de la petite Communauté germanophone belge Karl-Heinz Lambertz, réputé bon constitutionnaliste. Façon aussi de dire que les communautés linguistiques, plutôt que les institutions fédérales, joueront un rôle prépondérant dans la négociation de cette réforme de l'État, qui pourrait mener la Belgique vers une forme de confédéralisme.

Aucun Flamand en revanche dans ce collège de «médiateurs». Le roi répond ainsi «aux Flamands qui estimaient que c'était maintenant aux francophones de se bouger», a indiqué à l'AFP le politologue Pierre Vercauteren.

Le roi demande néanmoins à M. Leterme de «promouvoir au maximum les chances de ce dialogue», ce qui veut dire qu'un Flamand «garde tout de même un oeil sur tout ça», selon cet analyste.

Pour satisfaire l'impatience des Flamands, les «sages» vont devoir travailler vite et remettre un premier rapport le 31 juillet.

Cette échéance laisse aussi l'espoir aux hommes politiques belges, éprouvés par la crise qui perdure depuis les législatives de juin 2007, de prendre enfin quelques vacances en août, estime M. Vercauteren. La solution trouvée par le roi intervient juste avant les vacances parlementaires qui débutent avec la fête nationale le 21 juillet.

Mais aucun commentateur belge ne semblait croire à une solution miracle dans les 15 jours, tablant plutôt sur «un rapport intermédiaire» fin juillet.

Une perspective qui pourrait faire ruer dans les brancards la formation nationaliste flamande NVA, qui forme un cartel électoral avec le parti CDV de M. Leterme.

Au-delà des dissensions entre francophones et néerlandophones, la crise belge tient aussi aux tensions au sein de ce cartel, premier parti côté flamand.

Il a fait de l'obtention d'une vaste réforme de l'État son leitmotiv, et ne veut pas revenir devant ses électeurs lors des régionales de juin 2009 les mains vides.

Ces tensions - le grand journal flamand de tendance libérale Het Laatste Nieuws qualifiait vendredi la démission de M. Leterme de «mascarade» censée les cacher - expliquent aussi la reconduction du premier ministre.

Le maintien de Leterme doit aussi montrer au pays que les problèmes socio-économiques restent prioritaires, dans un contexte de forte inflation, et de chômage persistant côté wallon, selon M. Vercauteren.

Sur ces questions, M. Leterme avait réussi à définir avec les cinq partis francophones et néerlandophones de sa coalition un programme d'action.

Le gouvernement doit «concrétiser au plus vite les mesures» en faveur de «celles et ceux qui éprouvent aujourd'hui les plus grandes difficultés face à l'explosion du coût de la vie», soulignait vendredi le leader socialiste francophone Elio Di Rupo.