Le président polonais Lech Kaczynski ne ratifiera le traité européen de Lisbonne que si l'Irlande l'approuve dans un nouveau référendum, a-t-il déclaré mercredi dans un entretien exclusif avec l'AFP.

«Si l'Irlande prend une autre décision, non pas sous pression, mais sans changer sa constitution, de la même manière que celle qui a été prise, la Pologne ne posera pas d'obstacle», a déclaré le président conservateur.

«Moi-même, je ne poserai pas d'obstacle puisque le Parlement polonais a déjà approuvé le traité», a-t-il ajouté.

Lech Kaczynski avait porté mardi un nouveau coup au traité de Lisbonne, censé améliorer le fonctionnement de l'UE, en affirmant qu'il se refuserait à le ratifier «pour le moment».

Le traité est menacé depuis qu'une majorité d'électeurs irlandais a rejeté le traité dans un référendum le 12 juin. L'Irlande était obligée par sa constitution de soumettre le texte au vote populaire.

La stratégie des principaux pays de l'UE comme la France et l'Allemagne est au contraire d'achever la ratification du traité chez les 26 partenaires de l'Irlande afin de la mettre devant ses responsabilités.

«Faire pression aboutit parfois à un effet contraire à celui qui était escompté», a prévenu le président polonais. «Ma motivation, c'est de ne pas violer le principe de l'unanimité», a-t-il expliqué. «Si maintenant un pays se trouve sous la contrainte, ce principe n'existe plus.»

«Si ce principe de l'unanimité est traité avec sérieux, en ce moment, et je voudrais le souligner, en ce moment même, la ratification est sans objet puisqu'elle n'aura pas pour effet l'entrée en vigueur du traité», a-t-il argumenté.

«Ma signature n'aboutira pas à l'entrée en vigueur du traité», s'est-il défendu face aux critiques qui l'accusent de vouloir aggraver la crise née du Non irlandais.

«Je n'avais pas l'intention de freiner le processus de ratification. C'est le résultat du référendum irlandais. L'Irlande est un pays indépendant, pas grand mais indépendant, et son peuple a parfaitement le droit de prendre la décision qu'il a prise. Il a aussi le droit de la changer», a-t-il ajouté.

Le président polonais a cependant fait état d'une autre condition interne à la Pologne pour ratifier le traité : le vote par le parlement d'une loi donnant un droit de regard accru du président sur les affaires de l'UE. Le gouvernement libéral et pro-européen du Premier ministre Donald Tusk est très réservé sur ce projet.

«Je pourrai signer le traité quand nous aurons une législation appropriée. Cette législation aurait été aussi une condition interne pour ratifier le traité, même si le référendum avait eu un autre résultat», a déclaré le président.

Lech Kaczynski n'a pas directement commenté les propos du président français Nicolas Sarkozy qui a déclaré mardi qu'il ne pouvait pas imaginer que son homologue polonais «puisse remettre en cause sa propre signature», après avoir signé le texte du traité à Bruxelles puis de manière officielle à Lisbonne.

«Mes rapports avec le président Sarkozy sont très bons. Ses opinions me tiennent à coeur», a-t-il dit. Il a laissé entendre que les deux présidents pourraient se rencontrer à Paris le 13 juillet en marge du sommet de lancement de l'Union pour la Méditerranée. «Nous allons mettre au clair certaines choses», a-t-il dit.

Le président polonais a affirmé qu'il n'avait pas peur des pressions des autres pays de l'UE. «Même si je heurte de front les autres pays de l'UE, il faut répondre à la question de savoir, que doit être l'UE dans l'avenir ? Une Union dominée par les plus grands où les moins grands ne jouent qu'un rôle complémentaire ou bien une Union démocratique de 27 pays et davantage dans l'avenir», a-t-il dit.

Il s'est défendu de préférer le traité de Nice, actuellement en vigueur et largement critiqué pour être mal adapté à une Europe élargie. «J'aime bien le traité de Nice mais je me rends compte que son maintien était irréaliste», a-t-il dit. «La volonté en Europe de le changer était si puissante que lutter contre, ce serait lutter contre un océan».