Le Front national n'en finit plus de payer le prix de la victoire de Nicolas Sarkozy et de son parti aux élections législatives françaises de 2007.

L'électorat d'extrême droite, séduit par l'énergique candidat, avait largement boudé la formation de Jean-Marie Le Pen. Plusieurs de ses candidats n'ont donc pas atteint le seuil de 5% des voix requis pour obtenir le remboursement de leurs frais de campagne. La subvention gouvernementale à laquelle a droit le parti a, du même coup, fondu considérablement.

Depuis, les ennuis financiers ne cessent de se multiplier, au point où certains analystes n'hésitent pas à évoquer la possible faillite du Front national.

Le journal satirique Le Canard enchaîné a relaté il y a quelques jours que l'un des membres du parti a obtenu la saisie d'un compte bancaire de la formation dans l'espoir de récupérer des sommes dues pour l'impression d'affiches de campagne. Il menace de poursuivre le Front national s'il n'obtient pas le remboursement de près de huit millions d'euros.

En mal de liquidités, le parti d'extrême droite avait annoncé au printemps qu'il mettait en vente son siège social dans la confortable commune de Saint-Cloud pour se reloger dans des quartiers plus modestes.

Le leader du Front national a même dû mettre en vente sur eBay la Peugeot blindée qui lui servait depuis des années pour ses déplacements politiques.

«Le FN n'est pas ruiné, car ses actifs sont supérieurs à son passif. Mais cela suppose la liquidation, la vente de ce qu'on appelle les bijoux de la couronne», a déclaré le politicien sur les ondes de France inter pour expliquer son geste.

Le parti a parallèlement lancé une campagne de financement nationale baptisée SOS Front national. Jean-Marie Le Pen demande à «tous ceux qui pensent que le FN, défenseur des valeurs patriotiques, doit garder sa place en France» de répondre généreusement.

Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite à l'Institut des relations internationales et stratégiques de Paris, croit qu'il serait périlleux de prédire la fin du parti sur la base de ses difficultés actuelles.

Les succès électoraux de Nicolas Sarkozy signifient cependant clairement, souligne-t-il, que l'influence du Front national «sera considérablement réduite pour beaucoup d'années encore», au point d'en faire désormais un acteur «marginal» de la scène politique française.

Lors des élections présidentielles de 2007, beaucoup de partisans de l'extrême droite ont délaissé Jean-Marie Le Pen parce qu'ils s'étaient lassés d'un parti qui semblait incapable de prendre le pouvoir et, plus encore, ne semblait «pas vraiment le vouloir», note M. Camus.

«L'électorat frontiste, plutôt que d'opter pour un candidat avec lequel il était à 100% d'accord mais qui n'avait aucune chance de changer les choses, a opté pour un candidat avec qui il partageait quelques points d'accord et qui avait de fortes chances de gouverner», résume-t-il.

Selon lui, Nicolas Sarkozy a séduit les électeurs de droite avec son style direct et ses manières décomplexées, sa valorisation du travail ainsi que son insistance sur l'importance de l'identité nationale et de sa place dans l'élaboration de la politique d'immigration.

Le véritable déclin du parti, croit M. Camus, a commencé lors de la scission de 1999. L'arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2002 a donné l'illusion que le Front national était en croissance, mais sa percée illustrait surtout l'impopularité du président sortant et du candidat socialiste de l'époque.

Aujourd'hui, souligne M. Camus, le Front national se voit forcé de faire de la politique de façon plus modeste, en limitant notamment le nombre de candidats qu'il présente.

Jean-Marie Le Pen n'en demeure pas moins convaincu que l'extrême droite est «promise à un bel avenir». «M. Sarkozy a dit de façon bien vaniteuse: j'ai tué le FN, le FN est mort. Mais le sarkozysme sera oublié que le nationalisme sera toujours vivant», a affirmé Le Pen.