Les conservateurs britanniques ont-ils trouvé la recette qui permettrait à John McCain de vaincre Barack Obama? Au cours des derniers mois, ils ont opéré un changement de cap qui leur donne une bonne longueur d'avance pour les prochaines élections en Grande-Bretagne.

Leur leader, David Cameron, dit défendre des «idéaux progressistes» comme la justice sociale et la protection de l'environnement. Et il n'est pas obsédé par les réductions d'impôts. Reste à voir si le Parti républicain de McCain voudra importer cette stratégie audacieuse et se détourner de l'héritage de Ronald Reagan.

La traversée du désert est terminée pour les conservateurs britanniques. Ils ont écrasé les troupes travaillistes aux dernières élections locales, confirmant leur retour en force dans l'arène politique. Leur chef, David Cameron, a réussi à recentrer son parti et à convaincre l'électorat qu'il a l'étoffe d'un premier ministre. Il est en voie de détrôner le «New Labour « de Tony Blair et son successeur, Gordon Brown. Analyse de la revanche conservatrice.

À l'image de ses murs médiévaux, la ville de Southampton était, jusqu'à récemment, un rare bastion des travaillistes dans le Sud de l'Angleterre. Ils ont tenu les rênes du conseil municipal pendant plus de 20 ans.

Tout a basculé le 1er mai dernier aux élections de la ville portuaire de 220 000 habitants. Pour la première fois depuis 1984, les candidats conservateurs ont vaincu leurs adversaires travaillistes. Ils ont raflé 14 des 16 sièges en jeu, remportant ainsi la majorité au conseil municipal.

Même Royston Smith, un vétéran du Parti conservateur de la région, a été surpris par ce raz-de-marée. «Nous nous attendions à gagner du terrain mais pas à ce point-là», dit le président adjoint du conseil.

Le charisme du chef du Parti conservateur, David Cameron, tout comme la jeunesse des «Tories» de Southampton - dont le plus jeune conseiller n'a que 19 ans -, ont agi comme une bouffée d'air frais selon lui.

«Personne ne se plaint de David Cameron quand je fais du porte-à-porte, dit-il. C'est la première fois de ma carrière que je ne dois pas défendre mon chef. À mes yeux, ça dit tout.»

Beaucoup de résidants de Southampton, comme Artelis Robinson, sont sous le charme du leader de l'opposition. «C'est la première fois que je vote pour les Tories, dit la mère au foyer de 49 ans. David Cameron est un homme de famille. Je lui fais confiance pour régler le problème des jeunes délinquants.»

Margaret Thatcher reniée

Comme à Southampton, une vague bleue - la couleur du Parti conservateur - a déferlé sur l'Angleterre aux élections municipales. Le parti de droite a remporté 44% du scrutin, loin devant les travaillistes qui n'ont pu faire mieux que 24%, leur pire performance en 40 ans.

Même la capitale est passée aux mains des conservateurs, leur plus grande victoire depuis qu'ils ont été chassés du pouvoir par les troupes de Tony Blair en 1997.

Architecte de la renaissance de son parti, David Cameron supplante le premier ministre Gordon Brown dans les sondages. Le dernier en date, publié dimanche par la firme CrosbyTextor et effectué dans les circonscriptions les plus importantes du pays, lui accorde 41% des intentions de vote contre 17% pour son rival.

La raison de son succès? Le politicien de 41 ans a abandonné les chevaux de bataille des héritiers de Margaret Thatcher, tels que la lutte contre l'immigration et les coupes dans les dépenses sociales.

Depuis sa nomination en 2005 à la tête du parti, David Cameron, un ancien relationniste, propose un conservatisme «moderne et compatissant». Il privilégie la prévention de la criminalité à sa répression et préconise une baisse des impôts à long terme seulement.

Margaret Thatcher avait créé un malaise en 1987 en déclarant qu'il n'y avait pas de société. David Cameron répète que non seulement la société existe, mais ses familles sont en détresse. Pour prouver sa sincérité, il a créé un fonds d'aide aux sans-abri la semaine dernière.

Changer d'image

Autre signe de renouveau, il embrasse la cause environnementale et affirme s'inquiéter davantage de la qualité de vie des Britanniques que du PIB.

Dans un billet intitulé «Nous sommes les champions des idéaux progressistes», publié le 9 mai dernier, il annonce: «La justice sociale et l'écologisme sont nos priorités.»

Sa rhétorique est toutefois accueillie avec prudence par les analystes interviewés par La Presse. «Il n'a pas encore présenté une plateforme politique claire, dit le politologue Patrick Dunleavy de la London School of Economics. Il a quand même réussi à changer l'image de son parti, ce qui est très adroit de sa part.»

«Cameron emprunte beaucoup de ses idées aux travaillistes, explique de son côté le professeur David Jarvis de l'Université Cambridge. Il faudra voir si la vieille garde conservatrice le forcera à virer à droite s'il devient premier ministre.»