Un mois après la libération d'Ingrid Betancourt, le conflit colombien reste dans l'impasse, la guérilla des Farc poursuit sa lutte armée et le président Alvaro Uribe capitalise sur ses succès militaires.

«Le gouvernement a une position triomphaliste et la guérilla est silencieuse. Cette posture est extrêmement dangereuse, ce n'est pas une attitude pour obtenir une issue négociée, mais pour une issue militariste et guerrière», dénonce Carlos Lozano, patron du quotidien de gauche Voz Proletaria.

De l'autre côté, note-t-il, «les Farc sont dans une situation difficile, ils (les rebelles) ont reçu des coups très durs (...) ils doivent faire des propositions de paix, ce qui passe par une libération des otages».

Entre 350 et 700 otages seraient aux mains de la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), selon différentes estimations.

Depuis le début de l'année, les Farc accumulent les revers. Elles viennent de perdre leur trésor de guerre: la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt libérée début juillet par les services de renseignement avec 14 autres otages. Trois membres du secrétariat, l'organe dirigeant, sont morts: le chef historique Manuel Marulanda de maladie tandis que le numéro deux Raul Reyes et le commandant Ivan Rios ont été tués dans des opérations militaires. Et les défections se multiplient: la commandante Nelly Avila, alias «Karina», s'est récemment livrée aux autorités.

De son côté, l'armée maintient la pression. Mardi, elle a annoncé avoir éliminé une quinzaine de guérilleros, dont un chef régional des Farc, qui figurait sur une liste de noms de l'agence antidrogue américaine (DEA) et dont les États-Unis réclamaient l'extradition.

Ivan Marquez, membre du secrétariat des FARC, a cependant affirmé mercredi que les Farc n'entendaient pas abandonner la lutte armée et qu'une «solution politique n'était possible qu'avec un autre gouvernement».

«Il est indispensable d'ouvrir des portes» en vue d'un rapprochement entre les positions des deux camps, estime Carlos Lozano, qui a déjà oeuvré en vain comme médiateur.

Certains comme l'experte en relations internationales à Bogota, Laura Gil, proposent une médiation de l'ONU ou de Lula, le président du Brésil, frontalier de la Colombie.

Les Farc «sont confrontées à un début de désintégration. Si leur nouveau commandant Alfonso Cano et le secrétariat ne font pas preuve d'ouverture, alors le gouvernement pourrait miser sur des négociations séparées avec certains fronts des Farc», estime l'universitaire colombien Carlos Herrera, de l'université de Pamplona.

Dans un tel contexte, Ingrid Betancourt, peut-elle jouer un rôle? «Il faut voir si Ingrid formule des propositions qui sont en phase avec le pays, dans ce cas elle aura un avenir politique», remarque l'universitaire.

Le départ d'Ingrid Betancourt pour la France juste après sa libération et son absence lors de la manifestation du 20 juillet pour la libération des otages à Bogota, suscitent des interrogations en Colombie.

«Comme personnalité politique, elle devait y être. Cela aura un coût politique», estime l'experte Laura Gil.

À l'approche de son sixième anniversaire (le 7 août) à la tête du pays, M. Uribe affiche une cote de popularité de 80-90%.

Alors que la majorité des parlementaires de sa coalition sont en prison pour des liens présumés avec les paramilitaires d'extrême droite, le président n'en pâtit pas et envisage même un troisième mandat, ce qui exigerait une modification de la Constitution. Une hypothèse envisageable tant les Colombiens lui manifestent leur confiance.