Plus de trois mois après le séisme meurtrier en Chine, l'argent et la police ont réduit au silence les parents des enfants tués dans les nombreuses écoles du Sichuan (sud-ouest).

«Les familles ont accepté les dédommagements, car la police sait se montrer très menaçante», explique un commerçant, nommé Cheng, près d'un collège de Dujiangyan où au moins 200 élèves et professeurs ont trouvé la mort.

«Lorsqu'ils acceptent l'argent, on leur demande de rester tranquilles, de ne pas donner d'interviews aux médias», ajoute-t-il.

Quelque 7 000 établissements scolaires se sont effondrés lors du séisme du 12 mai, alors que les bâtiments officiels voisins restaient debout. Des parents avaient vivement dénoncé la corruption des responsables locaux, à l'origine, selon eux, de la mauvaise qualité des bâtiments.

Selon la presse chinoise, les sommes ont atteint, pour chaque enfant perdu, 32 000 yuans (près de 3 200 euros). Mais dans son quartier, affirme M. Cheng, les parents ont reçu beaucoup plus, jusqu'à 170.000 yuans.

Et les parents, qui en juin avaient accepté de parler à l'AFP lors de manifestations, sont désormais aux abonnés absents.

«Je ne peux pas vous parler maintenant, ce n'est pas le bon moment, n'appelez plus s'il vous plaît», dit au téléphone You Zhenghua, qui avait sorti elle-même le cadavre de sa fille de 14 ans des gravats.

Un père, dont la fille a survécu, explique cependant que le mécontentement reste vif. «C'est évident que la construction au rabais y était pour quelque chose. Sinon pourquoi les bâtiments à côté ne se sont-ils pas effondrés?», dit-il sous couvert de l'anonymat, de peur des représailles.

Les autorités ont également fait taire ceux qui ont tenté d'aider les parents. Le cyberdissident Huang Qi, 44 ans, basé à Chengdu (capitale de la province du Sichuan), a été arrêté en juin après avoir rencontré des parents d'enfants morts dans les écoles qui demandaient des comptes au gouvernement et accordé des entretiens à la presse étrangère, selon sa femme.

Un mois après, il se voyait officiellement signifier son arrestation pour «possession illégale de secrets d'État».

Liu Shaokun, un enseignant du Sichuan, a été interpellé le 25 juin et condamné à un an de «rééducation par le travail» pour «troubles à l'ordre public» après avoir fait circuler des photos d'écoles effondrées sur l'internet, selon l'organisation américaine Human Rights in China.

La police a refusé de commenter leur cas. Le séisme a fait près de 88 000 morts et disparus, principalement au Sichuan. Selon les chiffres officiels, près de 9 000 enseignants et élèves ont été tués dans l'effondrement des écoles et lycées, mais certains parents pensent que ce chiffre est largement sous-évalué.