Malgré les critiques qui lui reprochent sa faiblesse avec Moscou, le président français Nicolas Sarkozy veut afficher lundi, lors du sommet européen de Bruxelles sur la crise en Géorgie, sa volonté de faire prévaloir la voie d'un «dialogue ferme» avec la Russie.

Alors qu'un certain nombre de pays de l'Union européenne (UE) ont clairement affiché leur préférence pour une ligne dure, le président français a tenu à faire savoir, avant la réunion extraordinaire des 27 pays européens, que «l'heure des sanctions n'est certainement pas venue».

À en croire l'entourage de Nicolas Sarkozy, le Conseil devrait se contenter lundi de rappeler «fermement» à la Russie que l'accord de cessez-le-feu en six points négocié par Nicolas Sarkozy à la mi-août lors de sa visite à Moscou et à Tbilissi «doit être appliqué dans son intégralité».

«Tant que ce n'est pas le cas, notre relation avec la Russie restera en observation», a fait savoir l'Elysée, «nous sommes toujours en phase de dialogue, un dialogue ferme, mais pas en phase de sanctions». Pour Paris, la question d'éventuelles représailles ne devrait être posée qu'au sommet UE-Russie, prévu le 14 novembre prochain à Nice (sud-est de la France).

En clair, même s'il a jugé «inacceptable» la décision russe de reconnaître l'indépendance des deux républiques séparatistes géorgiennes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, Nicolas Sarkozy accorde encore au président Dmitri Medvedev un délai de dix semaines pour respecter sa signature.

Mais la priorité donnée à la négociation depuis le début de la crise par le président en exercice de l'UE est loin de faire l'unanimité parmi les 27.

En renonçant à faire figurer le respect de l'intégralité territoriale de la Géorgie dans l'accord arraché aux Russes et en leur reconnaissant un droit à «défendre les intérêts des russophones» hors de leurs frontières, Nicolas Sarkozy s'est attiré les foudres de la Pologne et des États baltes.

Avec la Suède ou la Grande-Bretagne, ces pays de l'ex-bloc soviétique estiment qu'il est temps de donner un coup d'arrêt aux ambitions de Moscou.

En France aussi, la ligne du chef de l'État a alimenté un procès en faiblesse instruit depuis qu'il a remisé ses critiques de candidat présidentiel contre les atteintes aux droits de l'homme en Tchétchénie au profit d'une «realpolitik» bien plus conciliante avec le Kremlin.

L'ancien premier ministre socialiste Laurent Fabius lui a reproché d'avoir commis une «erreur grave» en oubliant l'intégrité de la Géorgie dans «son» plan de paix. Le député socialiste Pierre Moscovici l'a accusé de «complaisance».

Malgré ces critiques, Nicolas Sarkozy n'entend pas dévier de sa route. Toujours animé de la volonté de «parler avec tout le monde», il a invité, mercredi dans son discours aux ambassadeurs, la Russie à faire le «choix fondamental» de «l'entente et de la coopération».

Plus que d'un choix politique, ce «dialogue nécessaire» relève aussi d'une évaluation réaliste des rapports de force. «Le monde a besoin de la Russie pour la stabilité et pour la paix», a rappelé le locataire de l'Elysée le 12 août à Moscou en évoquant la crise avec l'Iran.

«Les plus ardents partisans de sanctions contre les Russes sont ceux qui dépendent le plus de leur approvisionnement en gaz», relève aussi un de ses proches. «Nous disons aux Baltes ou aux Polonais 'pensez au troisième coup'. Si nous prenons des sanctions et que Moscou riposte par la fermeture du robinet de gaz, qu'est-ce que nous devrons répondre à ce moment-là ?»

Une façon de reconnaître que l'Europe ne dispose dans son jeu que de peu de cartes pour s'opposer à ce que certains experts qualifient de nouvel «impérialisme» russe.