Le président du Pakistan, Pervez Musharraf, a démissionné lundi à la veille du lancement d'une procédure de destitution par la coalition gouvernementale qui avait juré de l'évincer du pouvoir.

Au sommet de son impopularité, l'ancien membre des commandos d'élite arrivé à la tête de la seule puissance nucléaire militaire du monde musulman en octobre 1999, à la faveur d'un putsch sans effusion de sang, a finalement cédé face à ses adversaires politiques.

Et sans doute aussi face à la faiblesse des soutiens que lui ont témoignés ces derniers temps l'armée et, surtout, les États-Unis, dont il était jusqu'alors l'allié-clé dans leur «guerre contre le terrorisme» islamiste.

Ces derniers lui reprochaient de plus en plus de n'avoir pas su efficacement lutter contre la présence d'Al-Qaeda et des talibans dans les zones tribales du nord-ouest du pays.

«Après avoir considéré la situation et consulté divers conseillers en droit et alliés politiques, sur leurs conseils, j'ai décidé de démissionner», a déclaré le chef de l'État dans un discours télévisé à la Nation.

«Je laisse mon avenir dans les mains du peuple», a-t-il ensuite lâché, la mine très sombre, au terme d'un discours dans lequel il a âprement défendu son bilan et accusé la coalition gouvernementale, l'ancienne opposition sortie vainqueur des législatives de février, de saper les fondements de la République Islamique du Pakistan, peuplée de 160 millions d'habitants.

Le gouvernement avait annoncé dimanche qu'il déposerait en début de semaine devant le Parlement une procédure de destitution contre l'ancien général, qui avait démissionné du poste de chef d'état-major des armées avant les élections.

Ces dernières avaient été largement remportées d'abord par le parti de l'ex-premier ministre Benazir Bhutto, assassinée fin décembre dans un attentat-suicide, puis par celui de l'ancien chef du gouvernement Nawaz Sharif, évincé du pouvoir le 12 octobre 1999 lors du putsch du général Musharraf.

Depuis la formation du gouvernement en mars, la coalition ne parvenait cependant pas à s'entendre sur son sort, M. Sharif retirant même les ministres de son parti en accusant celui de Mme Bhutto de renoncer à évincer le chef de l'État.

Son retrait pourrait d'ailleurs ne pas mettre fin aux divergences entre les différents piliers de la coalition, craignent nombre d'analystes et éditorialistes.

L'ex-opposition reprochait à M. Musharraf d'avoir notamment bafoué la Constitution en évinçant des magistrats qui s'apprêtaient à statuer sur sa réélection contestée en octobre 2007, et d'avoir instauré illégalement l'état d'urgence en novembre.

À ces griefs s'ajoutaient des haines plus personnelles, essentiellement celle que lui voue Nawaz Sharif.

Plusieurs proches de M. Musharraf ont exclu l'idée d'un exil et les médias pakistanais s'interrogeaient dès lundi sur un éventuel «marché» passé pour lui éviter des poursuites judiciaires, en échange de sa démission.

Jusqu'au dernier moment pourtant, M. Musharraf avait fait savoir qu'il n'avait nullement l'intention de lâcher le pouvoir.

Or la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice avait estimé dimanche que la question d'accorder ou non l'asile politique à Pervez Musharraf, dans le cas où il serait destitué, n'était pas à l'ordre du jour.

Dans les rues des grandes villes du pays, de nombreux Pakistanais sont descendus dans les rues à l'annonce de la démission en dansant et chantant des slogans hostiles à M. Musharraf.

Ce dernier part cependant au moment où le pays est en proie à une terrible crise économique et à une vague d'attentats islamistes sans précédent, qui a fait plus de 1.200 morts en un peu plus d'un an.

Le nouveau gouvernement, sous la pression intense de Washington, a lancé depuis un mois une importante offensive contre les talibans et Al-Qaeda dans les zones tribales du nord-ouest, où les États-Unis estiment que le réseau d'Oussama ben Laden a reconstitué ses forces.

Le départ de M. Musharraf s'est accéléré dans la soirée lundi. Il a fait ses adieux à l'armée au cours d'une ultime garde d'honneur à la présidence. Il devait remettre aussitôt après sa démission au président de l'Assemblée nationale.

Dans l'attente de l'élection de son successeur, par le Parlement et les assemblées provinciales, le président du Sénat, Mohammedmian Soomro, assurera la présidence par intérim. Le prochain chef de l'État sera issu du parti de Benazir Bhutto, a promis dès lundi son fils, co-président du mouvement.