Officiellement, le président Evo Morales a gagné son pari, dimanche, quand 60% des Boliviens ont voté oui à son référendum. Mais ce pourrait n'être qu'un match nul, car le fossé est loin d'être comblé entre les démunis et les paysans qui l'ont appuyé, et les provinces autonomistes de l'est du pays qui lui font la vie dure.

Sur les murs des maisonnettes en terre cuite d'El Alto, les graffitis favorables au président Evo Morales se succèdent, sur fond de montagnes couvertes de neiges éternelles.

Cette ville, située sur le plateau qui surplombe la capitale bolivienne de La Paz, est composée en grande majorité d'indigènes défavorisés. Dimanche, ils ont fait la queue toute la journée pour renouveler leur appui au premier président amérindien de la Bolivie.

Adriana, jeune femme vêtue des habits traditionnels indigènes, a voté en faveur du chef d'État, qui avait remis son mandat en jeu. «Il nous a tout donné. Avant son arrivée au pouvoir nous n'avions pas l'eau courante ni l'électricité. Il a rempli ses promesses», explique-t-elle.

Depuis son accession au pouvoir, en janvier 2006, le président bolivien a misé sur l'appui des démunis et des paysans pour mener ses réformes sociales dans le pays le plus pauvre d'Amérique latine.

Des programmes tels que la construction d'écoles et d'infrastructures sanitaires ainsi que le versement d'allocations aux personnes âgées et aux parents d'enfants qui fréquentent l'école lui ont valu la reconnaissance des milieux défavorisés.

Provinces riches en colère

Pour mener à bien ces mesures, Evo Morales a augmenté l'impôt sur les hydrocarbures, ce qui a provoqué le mécontentement des provinces riches en gaz naturel, dans l'est du pays. Quatre provinces ont, depuis, réclamé davantage d'autonomie par voie de référendums jugés illégaux par le pouvoir central.

Le référendum de dimanche a aussi confirmé dans leurs fonctions les principaux gouverneurs opposés au président. Il ne réglera certes pas le conflit, estime l'analyste bolivien Carlos Toranzo Roca.

«Maintenant, nous nous retrouvons avec un Evo Morales victorieux qui va vouloir aller de l'avant avec ses réformes. De l'autre côté, les régions autonomistes, confortées dans leurs ambitions, vont continuer à ne pas respecter le gouvernement central», dit-il.

Sourde oreille

En bas de la côte abrupte qui sépare El Alto de La Paz, les habitations de fortune cèdent la place aux luxueuses demeures et aux immeubles à condos. Dans le quartier de San Miguel, l'un des plus riches de La Paz, le mécontentement face au président est palpable.

«Toute la haine que le président a générée dans le pays me dérange beaucoup, affirme Alvaro Bermudez, avocat dans la trentaine, qui a voté contre Evo Morales. Le gouvernement utilise un discours d'affrontement plutôt qu'un discours conciliateur.»

Claudia Chuquimia, métisse de 25 ans qui travaille dans un café situé près du palais présidentiel, partage cet avis: «Il a créé une fracture entre les Blancs et les Indigènes, entre les riches et les pauvres, et je crois que cela ne peut aller qu'en augmentant», estime-t-elle.

Du balcon du palais présidentiel, dimanche soir, Evo Morales a appelé les gouverneurs des provinces autonomistes à «travailler ensemble pour l'unité des Boliviens».

Or, selon Carlos Toranzo Roca, «nous nous retrouvons avec une sorte de match nul et, quand les parties font la sourde oreille, il est difficile d'arriver à un accord de concertation».