Los Angeles n'a jamais été aussi sûr en 40 ans. Or, un quartier résiste à la baisse de la criminalité: South Central, territoire de prédilection pour les 720 gangs de rues de L.A. Cet été, la Ville a décidé d'adopter une nouvelle mesure pour combattre la violence: inviter les citoyens à faire la fête...

Le parc Ross Snyder est situé dans le sud de Los Angeles, dans le quartier South Central.

South Central est composé de grands boulevards génériques mal éclairés, et de rues résidentielles déprimantes et mal protégées. C'est ici que sont établis la majorité des 39 000 membres de gangs de rue répertoriés par le LAPD, le service de police de Los Angeles.

Des fusillades éclatent presque chaque jour dans South Central. Les balles sifflent dans la rue, dans une ruelle, à minuit, en plein jour. Les tueurs sont à vélo ou à bord d'une voiture, et ils disparaissent souvent avant que la victime ne se soit effondrée.

«Ils frappent n'importe qui, explique Johnnie Jenkins, qui habite le quartier depuis 20 ans. Des enfants. Des vieux. Des étudiants. C'est triste à dire, mais la violence fait partie de la vie, ici.»

Des parcs transformés

Pendant quelques heures, mercredi soir dernier, le parc Ross Snyder, situé dans un secteur chaud, semblait pourtant faire partie d'un tout autre quartier.

Des dizaines d'enfants couraient après un ballon de soccer, pendant que des parents du quartier faisaient cuire du poulet sur un gros barbecue au charbon de bois. Dans un coin, des jeunes faisaient du skate-board. À l'intérieur du centre communautaire, des adolescents apprenaient à manier la caméra vidéo.

Cet été, Antonio Villaraigosa, maire de L.A., a débloqué un million de dollars pour financer le programme Summer Night Lights. Le but est simple: transformer huit parcs dangereux en endroits festifs où les enfants peuvent jouer le soir, après le souper.

Pour Anthony Zepeda, responsable du projet, chaque soirée de fête est une petite victoire en soi. Les lumières du parc Ross Snyder restent ouvertes jusqu'à minuit, et tout le quartier est invité à prendre part à la fête - même les gens qui sont affiliés à un gang. Jusqu'ici, aucun incident n'a été rapporté.

«Les soirées dans le parc aident les gens à se sentir en sécurité, dit M. Zapeda. Si nous n'étions pas ici ce soir, le parc serait occupé par des gangs. Quelqu'un se serait sans doute fait tirer dessus.»

Pour Jose Alvera, qui habite près du parc, le projet est une occasion de sortir de chez lui le soir, chose qu'il fait rarement. Il vient maintenant chaque fois que les lumières sont ouvertes et qu'il y a du monde, c'est-à-dire quatre soirs par semaine, du mercredi au dimanche.

«Normalement, je ne viens jamais dans le parc le soir, et encore moins avec mes enfants. Mais les soirs de fête, on vient toujours. C'est agréable de rencontrer les voisins, et de manger du barbecue. Je n'ai pas peur quand tout le monde est là.»

Plusieurs fronts

Lorsque nous l'avons rencontré, M. Alvera avait même amené ses deux neveux, qui habitent à une vingtaine de rues du parc. «Ils n'ont pas ça près de chez eux. Ils sont dans un coin dangereux, et je voulais qu'ils aient du plaisir eux aussi.»

Jusqu'à présent, le projet Summer Night Lights semble avoir aidé à apaiser le quartier. Depuis le début de l'année, le nombre de meurtres a chuté de 5,2% à Los Angeles, en comparaison avec la même période l'année précédente. En juillet, il s'est commis 19 meurtres à L.A. Il s'agit du nombre mensuel le plus bas enregistré en 38 ans.

Le maire Villaraigosa espère trouver les fonds pour répéter l'expérience l'an prochain. «Je souhaite que ce projet devienne un exemple qui pourra être repris partout au pays pour combattre la violence des gangs, a-t-il dit cet été. La réalité, c'est qu'il faut travailler sur plusieurs fronts en même temps. Il faut de la répression. Et il faut de la prévention. Tout ça fonctionne ensemble.»