Préjugés favorables aux démocrates, fin d'une époque pour l'information «sérieuse», voire manque de professionnalisme? L'éclatement du scandale sexuel impliquant l'ancien candidat à la Maison-Blanche John Edwards pousse certains médias américains à l'introspection.

M. Edwards a confirmé vendredi une liaison adultère, après avoir rejeté pendant des mois les affirmations en ce sens du tabloïd National Enquirer, relayées sur internet mais jamais reprises par les grands journaux ou télévisions.

Plusieurs éditorialistes estimaient lundi que la feuille à scandales, avec son approche agressive de l'affaire, avait infligé un camouflet à des mandarins des médias trop prudents.

Dans le Los Angeles Times, Tim Rutten a ainsi affirmé que la confirmation de la liaison d'Edwards, dominante des journaux télévisés pendant toute la journée de vendredi, signifiait «la fin d'une époque dans laquelle les médias traditionnels fixent le programme du journalisme de politique intérieure».

«Depuis le début, le scandale Edwards a entièrement appartenu aux médias nouveaux et alternatifs», écrit M. Rutten, selon qui les «blogueurs et commentateurs sur internet ont refusé de laisser le sujet disparaître».

Le médiateur du New York Times, pour sa part, s'est plaint du fait qu'avant la confession d'Edwards, son journal n'ait «jamais fait l'effort d'enquêter sérieusement sur le sujet, alors que l'+Enquirer+ publiait une série d'articles à sensation».

«Je pense que le Times, comme leWashington Post, USA Today, le Wall Street Journal, le Los Angeles Times, les grandes chaînes et les agences de presse, ont été bien trop timides face à ce sujet», écrit Clark Hoyt.

«Le Times ne voulait pas régurgiter les articles de l'Enquirer sans les vérifier, ce qui est une attitude responsable. Mais le Times n'a pas essayé de les vérifier au-delà de quelques tentatives, ce en quoi il avait tort, je pense», ajoute-t-il.

«Il existe une tendance, qu'elle soit juste ou non, à ne pas prendre au sérieux ce qu'on lit dans le National Enquirer», a constaté le directeur de l'information du Times, Bill Keller, cité dans son journal, or «je sais qu'ils ont parfois raison».

Le rédacteur en chef du tabloïde, David Perel, s'est dit convaincu qu'il existait «une certaine réticence des membres des médias classiques à admettre que l'Enquirer leur avait fait subir un ratage, donc ils n'ont pas cherché à fouiller».

D'autres ont assuré que le refus de traiter l'affaire Edwards prouvait une attitude partisane des médias, en faveur des démocrates.

Le commentateur vedette de la télévision conservatrice Fox News, Bill O'Reilly, s'est dit convaicu que «s'il s'était agi de (l'ancien candidat à l'investiture républicaine) Mitt Romney au lieu de John Edwards, cela aurait fait la une de New York Times».

Pour Bryce Nelson, professeur à l'école de communication de l'Université de Californie du sud à Los Angeles, l'échec des médias américains à couvrir l'affaire Edwards pourrait simplement traduire les récentes coupes budgétaires et de personnel qu'ils ont subies.

«A un moment où les ressources se réduisent pour couvrir des informations, c'est difficile d'investir d'importantes sommes d'argent pour une affaire publiée par le National Enquirer et qui pourrait être vraie ou pas», dit-il.

«Si Edwards avait été le favori pour la nomination (démocrate), l'affaire aurait fait l'objet de davantage d'agressivité de la part des médias classiques», juge-t-il. «Je ne pense pas que des préjugés politiques aient joué un rôle. Un républicain aurait sans doute subi le même traitement», conclut l'universitaire.