Les hypothèses se multipliaient vendredi dans une Espagne en deuil sur les circonstances et causes de l'accident d'avion à Madrid, qui a fait 153 morts mercredi, alors que l'archipel des Canaries, destination du vol, commençait à recevoir les dépouilles de ses victimes.

Vendredi, samedi et dimanche sont journées de deuil et «le drapeau national sera en berne sur tous les édifices publics et les navires de l'Armada», selon le décret du roi Juan Carlos, contresigné par le chef du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero et publié au journal officiel.

La presse espagnole faisait état de plusieurs hypothèses quant aux circonstances de la plus grave catastrophe aérienne depuis 25 ans en Espagne, s'appuyant notamment sur une vidéo de l'accident.

Selon certains enquêteurs qui ont pu visionner cette vidéo, gardée secrète, le moteur gauche de l'appareil ne s'enflamme pas au décollage, comme cela ressortait des premiers témoignages.

L'avion, un MD-82 de la compagnie espagnole Spanair devant relier Madrid et Las Palmas, dans l'archipel des Canaries, s'est écrasé au décollage mercredi, faisant 153 morts et 19 blessés.

Le chef du gouvernement régional canarien, Paulino Rivero, reçu vendredi matin par M. Zapatero, a déclaré que ce dernier avait vu la vidéo et lui avait expliqué que sur les images, l'avion roulait à fond sur la piste comme s'il n'arrivait pas à décoller.

Cela corrobore le témoignage d'un pilote d'un autre avion en phase d'atterrissage au même moment à l'aéroport de Madrid, cité par le quotidien ABC: «cet avion ne décolle pas, il est juste en train de se manger la piste», aurait-il déclaré.

Le journal El Mundo avançait lui une autre théorie, évoquant la possibilité d'une explosion du moteur gauche dont les éclats auraient endommagé le gouvernail.

Le ministère des Infrastructures, dont dépendent la commission d'enquête et l'Aviation civile, ne donnait aucun détail vendredi sur le déroulement de l'enquête.

Cette dernière n'en est qu'à ses débuts, les boîtes noires n'ont pas encore été analysées. Le procureur chargé du dossier judiciaire, Emilio Valerio, attend le résultat d'ici un mois.

«Nous pensons à un délai d'un mois, je n'aimerais pas que le délai soit beaucoup plus long», a-t-il déclaré à la radio Cadena Ser.

Le délicat travail d'identification des corps, dont beaucoup sont carbonisés, se poursuivait à un rythme lent.

Selon le gouvernement, ce ne sont finalement que 50 victimes qui ont pu être identifiées jusque-là grâce à leurs empreintes et non 59 comme annoncé initialement, et «le chiffre des identifications par ADN s'élève à 101 ou 103».

Le ministère de la justice a été obligé de mobiliser des biologistes spécialisés pour parvenir à prélever de l'ADN sur 62 corps particulièrement difficiles. Ils ont terminé leur travail vendredi après-midi.

Plusieurs familles ont elles déjà récupéré la dépouille d'un proche. «Cinquante victimes ont été rendus à leurs proches», selon le gouvernement. Certaines d'entre elles ont commencé à arriver dans l'archipel des Canaries, durement éprouvé par l'accident.

Par ailleurs, des critiques continuaient d'accabler Spanair qui traverse une situation économique difficile.

Le quotidien El Mundo citait un ancien pilote de Spanair, anonyme, affirmant que «la compagnie met la pression sur les mécaniciens pour qu'ils donnent à l'avion l'autorisation de décoller, même s'il n'est pas prêt. C'est un secret de Polichinelle dans toute l'aviation espagnole».

José Maria Vazquez, pilote de Spanair et président d'un syndicat de pilotes, a réfuté cette thèse dans le journal El Pais en déclarant: «attribuer l'accident à la situation de la compagnie est une énormité».