Quinze jours d'audience et un verdict en demi-teinte n'ont pas permis mercredi d'accorder davantage partisans et détracteurs du système des tribunaux militaires d'exception pour juger les détenus de Guantanamo, dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme».

Salim Hamdan, l'ancien chauffeur de Oussama ben Laden, a été déclaré coupable mercredi par un jury militaire de «soutien matériel au terrorisme». Le chef d'accusation de «complot» n'a cependant pas été retenu contre lui.

Le sort de ce Yéménite, premier condamné par un tribunal militaire américain d'exception, du jamais vu depuis la Seconde guerre mondiale, est cependant largement occulté par la controverse que suscite la commission militaire qui l'a jugé et qui n'a pas fait la preuve de son «équité», selon des observateurs.

Trois jours avant le début du procès, la défense argumentait encore devant un juge fédéral de Washington pour obtenir le report du jugement, mettant en doute la «compétence» et «la constitutionnalité» des commissions militaires.

George W. Bush en revanche estimait qu'il fallait soit «renvoyer dans leurs pays d'origine» les détenus, soit «leur donner l'occasion d'être jugés». Et le Pentagone promettait un procès «complètement équitable».

Il s'agissait donc que le test grandeur nature de ce système fasse la preuve que celui-ci était indiscutable.

À la fin du procès mercredi, la Maison-Blanche s'est logiquement félicité que «Salim Hamdan ait bénéficié d'un procès équitable» et le Pentagone a immédiatement rappelé qu'il allait «continuer les procès d'au moins une vingtaine d'inculpés».

En face, les avocats de la défense ont parlé d'«une farce» et annoncé qu'ils faisaient appel du jugement. Ils mettent en doute tant le fait qu'avoir été le chauffeur du chef terroriste puisse constituer un crime de guerre que la validité d'une condamnation en vertu de la loi qui a créé les commissions militaires en 2006, alors que M. Hamdan a été arrêté en 2001 en Afghanistan.

La condamnation de Salim Hamdan, «selon des procédures qui ne correspondent pas aux normes internationales d'équité, aggrave l'injustice de plus de cinq années de détention illégale à Guantanamo», a aussi dénoncé Amnesty International.

Pour le Centre pour les droits constitutionnels américain (CCR), ce procès «a violé deux des principes fondamentaux de la justice criminelle acceptés dans toutes les nations civilisées: l'interdiction d'utiliser des aveux recueillis sous la contrainte et l'interdiction de lois criminelles rétroactives».

Cette association a regretté que l'entêtement de l'administration Bush à vouloir une justice d'exception «entraîne des années d'appels».

Human Right Watch a de son côté concentré ses critiques sur les «irrégularités» qui ont ponctué les audiences, où certaines déclarations de l'accusé ont été retenues, sans qu'il soit évident qu'elles n'avaient pas été recueillies sous la contrainte.

«L'accusation a pu produire des aveux de Hamdan qui n'auraient jamais été admis dans une cour fédérale ou martiale», a expliqué à l'AFP Jonathan Drimmer, professeur de droit spécialiste des crimes de guerre. «Cela affaiblit l'administration dans sa revendication d'un procès équitable», a-t-il ajouté.

Selon lui néanmoins, le verdict partagé montre que «le jury était indépendant», un bon point pour un procès équitable. Il juge moins bons en revanche «certains témoignages indirects admis par la cour» ou le fait que «la défense n'a apparemment pas eu accès à certains documents classés».