Après la fièvre olympique, la fièvre électorale. La convention démocrate, qui débute demain à Denver, sera déterminante non seulement pour les Américains, mais aussi pour le reste du monde. Si Barack Obama est à la hauteur, si les ténors démocrates font bloc derrière lui, ses chances d'emménager à la Maison-Blanche seront bonnes. Sinon, John McCain se frottera les mains, lui dont la propre convention aura lieu la semaine prochaine au Minnesota.

«J'ai des frères, des soeurs, des nièces, des neveux, des oncles et des cousins de toutes races et de toutes teintes, dispersés sur trois continents, et tant que je serai en vie, je n'oublierai jamais que mon histoire est inconcevable dans tout autre pays.»

Ainsi parlait Barack Obama le 4 juin dernier, en revendiquant l'investiture démocrate à l'issue d'une course épique contre Hillary Clinton. C'est une histoire que ce fils d'un Noir du Kenya et d'une Blanche du Kansas a racontée pour la première fois sur une scène nationale le 27 juillet 2004, à l'occasion de la convention démocrate de Boston.

Et c'est une histoire qu'il devra répéter à Denver, où se déroulera, à compter de demain et jusqu'à jeudi, la convention du Parti démocrate qui doit couronner le premier candidat de couleur à la présidence des États-Unis.

«Cela sera sa première chance véritable de se présenter au public américain, dit Henry Brady, politologue de l'Université de Californie à Berkeley. Cela peut sembler étonnant après toutes les primaires et le battage médiatique autour d'Obama. Mais il y a des gens qui ne savent pas encore que sa mère est blanche, que son grand-père maternel, né au Kansas, a servi pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ils s'intéresseront à la campagne présidentielle pour la première fois.»

«Au-delà de sa biographie, Obama devra également définir sa vision de ce que sera l'avenir de l'Amérique sous sa présidence. Cette convention sera un moment très important pour sa campagne», ajoute Henry Brady au cours d'une entrevue avec La Presse.

Important parce que Barack Obama n'a pas encore réussi à effacer les doutes que soulève sa candidature, celle d'un jeune politicien charismatique à l'histoire exotique et à l'expérience limitée. Malgré une conjoncture très favorable aux démocrates, le sénateur de l'Illinois ne jouit que d'une mince avance sur le républicain John McCain dans la plupart des sondages.

Réunir le parti

Sa femme Michelle et sa soeur, Maya Soetoro-Ng, née d'un père indonésien et mariée à un Canadien d'origine chinoise, joueront un rôle important à Denver dans le récit de son «histoire très américaine», pour reprendre les mots d'un de ses conseillers. Elles prendront la parole lors de la première soirée de la convention. Davis Guggenheim, réalisateur du documentaire Une vérité qui dérange, mettant en vedette Al Gore, présentera pour sa part un film biographique sur le candidat démocrate et sa famille.

Quant à Barack Obama, il acceptera l'investiture de son parti jeudi soir dans un stade de football pouvant accueillir 75 000 personnes. L'événement coïncidera avec le 45e anniversaire du célèbre discours de Martin Luther King sur le thème «J'ai un rêve». Le candidat démocrate devra alors aller au-delà du symbolisme pour expliquer concrètement en quoi consistera le «changement» qu'il promet.

Mais son défi ne s'arrêtera pas là, selon Costas Panagopoulos, politologue de l'Université Fordham à New York et ancien conseiller d'Hillary Clinton.

«Il doit tendre la main aux supporters de Clinton sans se mettre à dos les siens, dit-il en entrevue. Il est absolument indispensable que les démocrates soient unis à la sortie de la convention de Denver. À ce moment-ci, il y a des indications que les supporters de Clinton attendent de voir si elle jouera un rôle majeur dans la campagne. S'ils ne sont pas sûrs que cela se produira, ils pourraient voter pour McCain ou s'abstenir d'aller aux urnes, ce qui serait désastreux pour Obama.»

Bill et Hillary Clinton prendront tous les deux la parole à la convention de Denver. Ils ne manqueront sans doute pas de vanter Barack Obama et de saluer sa trajectoire singulière. Mais les téléspectateurs et les médias seront aux aguets de la moindre fausse note.

«Les délégués, les démocrates et les téléspectateurs tenteront de lire entre les lignes pour voir si le parti est vraiment unifié, dit le professeur Panagopoulos. Les électeurs ont cette capacité de voir ces subtilités. En dépit de ce que les gens diront publiquement, si les électeurs sentent qu'il y a de la division chez les démocrates, cela peut devenir problématique pour Obama.»

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La convention en chiffres

50 000

Visiteurs attendus à Denver pendant la convention démocrate.

17 000

Chambres d'hôtels réservées par les organisateurs de la convention.

300

Dignitaires étrangers invités par le Parti démocrate à Denver.

503

Délégués de la Californie, la plus importante délégation.

67

En millions US, la somme consacrée à la sécurité pendant la convention.

76 125

Sièges au stade Invesco, où Obama prononcera son discours d'investiture.