La Russie a réaffirmé dimanche son rejet d'un monde «unipolaire» dominé par les Etats-Unis et campé sur ses positions dans la crise géorgienne, brandissant même à son tour la menace de sanctions, à la veille d'un sommet européen extraordinaire à Bruxelles.

La Russie «ne peut pas accepter un système mondial où toutes les décisions sont prises par un seul pays, même aussi important que les Etats-Unis. Un tel monde est instable et porteur de menaces de conflits», a accusé le président russe Dmitri Medvedev dans une interview à trois chaînes de télévision russes. Tout en les jugeant «contreproductives» et réservées aux «cas extrêmes», le président russe n'a pas exclu que la Russie puisse avoir recours à des «sanctions» contre les pays qui lui sont hostiles.

Quoiqu'il arrive, «nous avons pris notre décision» de reconnaître l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud et «cette décision est irrévocable», a poursuivi le chef de l'Etat russe.

Pour l'heure, aucun autre pays, même parmi les alliés de Moscou n'a reconnu les deux républiques bien qu'ils aient exprimé leur soutien aux actes de la Russie en Géorgie. M. Medvedev a reconnu que le processus pourrait «durer longtemps», mais assuré que la position russe n'en serait pas affectée pour autant.

Sans prononcer pour sa part le terme de «sanctions», le Premier ministre Vladimir Poutine a abordé un point sensible dimanche dans une autre interview, en évoquant les exportations russes de pétrole et de gaz, dont l'Europe est très dépendante.

«Nous n'avons pas l'intention de limiter quoi que ce soit. Nous allons strictement respecter nos obligations contractuelles, mais nous allons élargir et diversifier nos possibilités d'exportation de ce produit si nécessaire à l'économie mondiale», a-t-il assuré.

Dans le passé, la Russie a fréquemment été accusée par ses voisins de se servir de l'arme énergétique pour imposer ses vues politiques, ce qu'elle dément.

Pour M. Poutine, la situation est sans ambiguïté: «Quoi qu'il arrive et quoi qu'on en dise, la vérité est de notre côté. Nous nous conduisons de manière absolument morale et conforme au droit international en vigueur».

En même temps, il a affirmé ne pas voir de signes de «refroidissement» dans les relations de la Russie avec ses partenaires occidentaux.

«Je ne vois pour le moment aucun refroidissement, il y a beaucoup de discours, beaucoup d'émotions, mais il n'y a pas d'actions pratiques qui feraient preuve d'un refroidissement», a souligné M. Poutine.

Ces déclarations interviennent alors que les Européens sont sous pression pour parvenir à produire une déclaration à la fois forte et unie sur la crise géorgienne lors de leur sommet lundi, mais que des lignes de fracture affleurent déjà entre les «durs», ex-pays du bloc soviétique, Suède, d'un côté, de l'autre les pays de la «Vieille Europe» - France, Allemagne, Italie, Bénélux, plus modérés.

Ainsi la Grande-Bretagne a prévenu par la plume de son Premier ministre Gordon Brown qu'«à la lumière des actions russes, l'UE pourrait revoir - totalement - ses relations avec la Russie». La présidence française de l'UE a pour sa part d'ores et déjà laissé entendre que les sanctions n'étaient pas à l'ordre du jour pour le moment.

En Géorgie, des manifestations rassemblant des dizaines de milliers de personnes sont attendues lundi pour dénoncer «l'agression russe» contre leur pays dans la capitale Tbilissi et dans les autres villes du pays.

«J'attends que l'Europe soutienne notre intégrité territoriale et dise qu'elle ne reconnaîtra jamais» les «actions illégales» de la Russie, a déclaré dimanche le président géorgien Mikheïl Saakachvili dans un message adressé à la nation, selon le site officiel de la présidence.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a informé la Russie que les Nations Unies étaient prêtes à offrir leurs bons offices pour résoudre le conflit en Géorgie.

«Cette semaine et surtout le sommet de l'UE ont une importance cruciale pour la Géorgie», selon Guiorgui Khoutsichvili, un analyste indépendant géorgien.

«On va comprendre si le monde est uni pour s'opposer aux actions russes en Géorgie», a-t-il estimé.

La Russie et la Géorgie s'accusent mutuellement d'avoir provoqué le conflit. Une vaste offensive russe a été lancée le 8 août après que les forces géorgiennes eurent déclenché une opération pour tenter de reprendre le contrôle de l'Ossétie du Sud.