Certains voient en lui un deuxième Tony Blair, dont il fut le protégé. Jeune, intelligent, ambitieux, David Miliband se croit capable de redonner du tonus au Parti travailliste, qui s'enlise sous la gouverne de Gordon Brown. Accablés par une série d'échecs électoraux, les travaillistes se cherchent un nouveau chef et le nom qui est sur toutes les lèvres est celui de Miliband, le jeune ministre des Affaires étrangères. Qui vient de publier une bombe: un manifeste qui sent le coup d'État contre Gordon Brown.

Avec son éloquence et ses airs de premier de classe, David Miliband rappelle un autre politicien québécois qui semblait promis à une brillante carrière: André Boisclair. Comme l'ancien chef du Parti québécois, David Miliband se croit capable de remettre sur les rails son parti, au pouvoir depuis 11 ans. Et de déloger Gordon Brown de Downing Street.

Le jeune loup a joué d'audace en publiant un article explosif dans le quotidien britannique The Guardian mercredi dernier.

Dans son billet, David Miliband appelle les travaillistes à moderniser leurs politiques pour exposer la «vacuité» du programme du Parti conservateur.

Le hic, c'est qu'il ne mentionne nulle part son patron, Gordon Brown, dont la survie politique est en péril. Une omission interprétée comme une attaque par la presse britannique.

«Son article se lit comme un manifeste ou une offre de candidature», écrivait le quotidien de droite le Daily Telegraph jeudi.

La perte d'un énième bastion travailliste aux élections partielles de Glasgow, la semaine dernière, a semé un vent de panique dans les troupes de Gordon Brown. Seulement 15% des Britanniques l'appuient selon un sondage de YouGov publié le 1er août.

«Gordon Brown est fini «, écrivait la réputée chroniqueuse du Guardian Jackie Ashley, la semaine dernière.

Or, le principal intéressé, présentement en vacances, refuse de démissionner.

Dans ce contexte de crise, David Miliband semble signaler qu'il est prêt pour une course au leadership, selon les analystes.

Bombardé de questions mercredi à une conférence de presse, David Miliband s'est mollement défendu de lancer un défi à Gordon Brown.

«Est-ce que je crois que Gordon Brown peut gagner aux prochaines élections? Absolument», a-t-il dit prudemment.

Se présenterait-il en cas de course au leadership, lui a demandé un journaliste? «Je veux parler d'enjeux, pas de personnalités», a-t-il simplement répondu. Mais son air décontracté et confiant racontait une autre histoire.

«Le cerveau»

Né à Londres d'une famille juive polonaise, David Miliband est une étoile montante du Labour depuis ses débuts en 1994. Diplômé d'Oxford, il devient conseiller politique de Tony Blair à l'âge de 29 ans après cinq années comme analyste dans un groupe de réflexion de gauche.

Intellectuel et «férocement intelligent» selon des acolytes, il s'est fait baptiser «le cerveau» par le bras droit de Tony Blair, Alastair Campbell.

Depuis qu'il a accédé à la Chambre des communes en 2001, il a été en charge de deux portefeuilles importants: l'Environnement et les Affaires étrangères.

Toutefois, son charisme rappelle celui de son ancien mentor. «Comme Tony Blair, il est un excellent communicateur», dit Rodney Barker de la London School of Economics. Il est d'ailleurs le premier parmi les ministres britanniques à tenir un blogue.

Au printemps 2007, son nom avait circulé comme possible rival de Gordon Brown pour la succession de Tony Blair. Le jeune politicien, marié et père de deux enfants, avait préféré passer son tour.

Cette fois-ci, s'il réussit son pari et devient calife à la place du calife, il héritera d'un parti en déroute. Et les Britanniques n'accepteraient pas un deuxième premier ministre non élu de suite.

«Dans le contexte actuel, le Labour perdrait des élections anticipées, peu importe qui en est le chef. David Miliband est probablement prêt à rebâtir le parti, sinon il se serait tu», affirme à La Presse Stephen Fisher, professeur à l'Université d'Oxford.