«Il n'y a pas de deuxième acte dans la vie des Américains», a écrit F. Scott Fitzgerald dans les notes d'un roman qu'il n'a jamais eu le temps de terminer.

Ancien prisonnier de guerre au Vietnam, survivant du cancer de la peau et candidat malheureux à l'investiture républicaine en 2000, John McCain prouvera de nouveau le contraire cette semaine à St. Paul, ville natale de l'auteur de Gatsby le magnifique, à l'occasion de la convention du GOP (Grand Old Party). À 72 ans bien sonnés, le sénateur de l'Arizona ajoutera un nouvel acte à son histoire pleine de rebondissements en devenant officiellement le porte-étendard d'un parti qui ne l'a pas toujours porté en son coeur.

Son investiture surviendra une semaine après celle de son adversaire démocrate, Barack Obama, et quelques jours après une décision étonnante, voire renversante, qui a monopolisé l'attention du public et des médias. En choisissant comme candidate à la vice-présidence une politicienne quasiment inconnue, John McCain a fait l'unanimité dans la base conservatrice du Parti républicain, qui se reconnaît notamment dans la position de la gouverneure de l'Alaska au sujet de l'avortement. Elle s'oppose à l'interruption de grossesse en toutes circonstances, y compris en cas de viol et si la vie de la mère est en danger.

Un jugement mis en cause

«Je voterai pour le ticket McCain-Palin», a déclaré vendredi James Dobson, pilier de la droite religieuse, qui avait auparavant exprimé des réserves au sujet de John McCain.

Le sénateur républicain a renforcé sa réputation de rebelle lorsqu'il a tourné le dos aux candidats plus traditionnels comme l'ancien gouverneur du Massachusetts, Mitt Romney. Il a aussi prouvé son penchant pour le risque en allant chercher le plus loin possible de Washington une colistière qui n'a jamais été mise à l'épreuve sur la scène politique nationale.

Mais que révèle ce choix sur le jugement de John McCain, un homme qui a déjà eu quatre mélanomes ? A-t-il fait un choix responsable ou opportuniste? Selon les analystes, Sarah Palin peut aider les républicains non seulement auprès des chrétiens évangéliques, mais également des femmes et des familles de la classe moyenne, qui pourraient s'identifier à cette jeune mère de cinq enfants.

Mais Sarah Palin est-elle vraiment prête à assumer la présidence des États-Unis, critère qui devrait guider le choix d'un colistier?

Ces questions risquent de planer sur la convention républicaine de St. Paul, qui doit s'ouvrir demain sur des discours du président George W. Bush et du vice-président Dick Cheney, notamment. Elles risquent aussi de brouiller l'un des arguments majeurs de John McCain, soit le manque d'expérience de Barack Obama, élu au Sénat des États-Unis en 2004.

Les républicains feront valoir que Sarah Palin a plus d'expérience que le sénateur de l'Illinois, car elle a été mairesse de Wasilla pendant deux mandats avant d'être élue, en 2006, gouverneure de l'Alaska.

Les démocrates répliqueront en soulignant que Wasilla compte moins de 7000 habitants et l'Alaska, quelque 600 000. Et ils ajouteront que la gouverneure de l'Alaska n'a aucune expérience en matière de politique étrangère.

«C'est le plus gros pari de l'histoire politique américaine», a affirmé Pat Buchanan, ex-candidat à l'investiture républicaine, au sujet de la sélection de Sarah Palin.

Au moins un conseiller de John McCain a admis, sous le couvert de l'anonymat, que ce choix forcera l'équipe républicaine à trouver une nouvelle façon de critiquer le candidat démocrate.

«Je pense que nous devrons revoir notre slogan, Dangereusement inexpérimenté», a-t-il dit sur un ton sarcastique.

La menace de Gustav

Une autre menace planera sur la convention républicaine de St. Paul : celle de Gustav. L'ouragan devrait frapper le sud des États-Unis au début de la semaine, quelques jours seulement après le troisième anniversaire de l'ouragan Katrina, qui avait inondé La Nouvelle-Orléans et mis en cause la compétence de l'administration républicaine.

Il n'est pas impossible que la convention soit retardée, suspendue, voire annulée, a confié John McCain au cours d'une entrevue qui sera diffusée aujourd'hui sur Fox News.

«Ce ne serait pas approprié de fêter au moment où se présenterait une quasi-tragédie ou un défi effroyable sous la forme d'une catastrophe naturelle», a-t-il dit.

Les républicains font ainsi face à la possibilité que l'attention du public et des médias soit détournée vers le sud des États-Unis au moment de leur congrès. Certains fondamentalistes y verront peut-être un signe divin. D'autres parleront tout simplement de malchance.