Les promesses de changement de Barack Obama, pour Julie Wong, c'est de la bouillie pour les chats.

Pourtant, Mme Wong n'est pas une partisane républicaine. Elle est l'une des 4439 délégués démocrates qui étaient hier en train de prendre Denver d'assaut à la veille du coup d'envoi de la convention du parti.

Cette enseignante californienne de 44 ans a simplement du mal à avaler que le candidat démocrate ait pu choisir Joe Biden comme colistier. «Si on veut changer les choses, il faut être audacieux. À mon avis, Biden n'est pas un choix audacieux. C'est avant tout un choix qui ne comporte aucun risque», lance-t-elle.

Rencontrée au sous-sol de l'un des grands hôtels du centre de Denver, où les délégués de la Californie devaient se rendre pour s'inscrire, Mme Wong ne cachait pas sa déception. Elle avait espéré jusqu'à la toute dernière minute qu'Obama choisisse Hillary Clinton.

«Je n'ai rien de mal à dire au sujet de Biden», avait-elle assuré d'emblée. Pourtant, un peu plus tard au cours de l'entrevue, sa langue s'est déliée.

Le sénateur de 65 ans a pris part à la course à l'investiture démocrate cette année, mais il a jeté l'éponge très tôt, rappelle-t-elle. Contrairement à Clinton. «Tout simplement parce qu'il n'avait pas les appuis nécessaires!»

Une autre partisane de Clinton, Marilyn Riley, se montre plus indulgente. Bien sûr, elle aurait aimé voir l'ancienne première dame du pays sur le ticket démocrate. Mais elle s'est rapidement rangée derrière le choix d'Obama, avant tout par pragmatisme. Cette avocate à la retraite de 63 ans veut absolument que son parti s'empare de la Maison-Blanche en novembre.

Ayant appris que je suis du Canada, elle tient d'ailleurs à faire son mea-culpa au nom de l'ensemble de ses concitoyens. «Je veux vraiment vous présenter nos excuses pour George W. Bush!

- J'accepte vos excuses.

- Non. Ce n'est pas ce que vous devriez me dire. Vous devriez plutôt me dire que je fais bien de m'excuser. Notre pays ne va pas survivre quatre ans de plus avec des républicains à la Maison-Blanche.»

Cela dit, au-delà du simple désir de freiner l'élan des héritiers spirituels de Bush, Mme Riley admet avoir, malgré tout, un faible pour Biden.

«Il a beaucoup d'expérience, il est très intelligent, il excelle dans les débats. Et franchement, je le trouve plutôt beau bonhomme», ajoute-t-elle en esquissant un sourire un brin gêné.

«Équilibre»

Plus loin, trois jeunes délégués dans la vingtaine, originaires de banlieues de Los Angeles, font le pied de grue. Deux d'entre eux soutenaient Clinton. Le troisième, Jorge Marquez, s'est entiché d'Obama.

Il est ravi de la sélection de Biden. «Il apporte un équilibre au ticket. Il offre ce qui manquait à Obama. Il a été sénateur pendant de nombreuses années et il est spécialiste des affaires étrangères.»

Ses amis, Bryan Urias et Arianne Garcia, commencent d'abord par saluer la décision d'Obama. Ils parlent aussi d'équilibre, le mot du jour chez les démocrates. Mais en les cuisinant un peu, on apprend qu'ils auraient préféré Hillary et qu'ils nourrissent un certain ressentiment.

«Elle n'est pas sûre si elle veut une émeute ou pas», lance Bryan Urias en rigolant au sujet de son amie. On venait de lui demander s'il prévoyait un coup d'éclat des partisans de Clinton lors de la convention.

Derrière cette blague, il y avait indéniablement un fond de vérité qui laisse croire que le tandem Obama-Biden aura fort à faire, d'ici à la fin de la convention, pour unifier les démocrates.