Les insurgés islamistes patrouillaient samedi dans le calme le grand port du sud somalien Kismayo, dont ils se sont emparés la veille après des combats meurtriers avec des milices locales, tandis qu'un nouvel accrochage a été signalé à 60 km de là entre les deux camps

«Kismayo est calme après plusieurs jours de combats. Il y a eu des tirs sporadiques cette nuit, mais pas de combats», a expliqué à l'AFP un commerçant de la ville, Abdisalan Mohamud.

Une mère de quatre enfants, Asha Hirsi, a confirmé à l'AFP par téléphone cette accalmie, précisant que les enfants allaient reprendre le chemin de l'école dès samedi.

Le marché principal de Kismayo (située à 500 km au sud de la capitale Mogadiscio) était ouvert samedi matin, selon ces habitants.

Des insurgés islamistes ont pris vendredi le contrôle de Kismayo au terme de trois jours de combats acharnés qui ont fait au moins 41 morts, combattants et civils confondus. Cent trente-cinq blessés ont également été admis à l'hôpital de Kismayo.

Les combattants islamistes avaient perdu il y a un an et demi les régions somaliennes qu'ils contrôlaient depuis six mois, dont celle englobant Kismayo. Depuis, ils mènent régulièrement des attaques meurtrières, essentiellement à Mogadiscio, ravagée par dix-sept ans de guerre civile. En reprenant Kismayo, ils démontrent leur force.

La ville portuaire était jusqu'à vendredi contrôlée par des milices locales dirigées par le colonel et membre du Parlement Aden Bare Shire, surnommé «Hirale».

«Hirale perdu Kismayo. Mais les miliciens qui ont été délogés par les islamistes tenteront peut-être leur chance pour récupérer la ville», a estimé un chauffeur de taxi, Liban Abdi.

Un commandant de ces milices locales Mohamud Hassan avait affirmé vendredi avoir opéré un «repli tactique» et avait promis «de reprendre le contrôle» du port très rapidement.

En fait de repli tactique, les miliciens semblent quitter la zone, comme en témoigne un accrochage qui les a opposés samedi matin à des insurgés islamistes à 60 km à l'ouest de Kismayo, dans la localité de Janayabdale.

«Des habitants du village de Janayabdale nous ont rapporté de nouveaux combats dans la zone», a déclaré à l'AFP un chef coutumier de Kismayo, Moalin Adan Warfa.

«Les restes des milices et certains de leurs commandants ont été attaqués par les islamistes lorsqu'ils ont tenté de traverser Janayabdale. Plusieurs personnes ont été blessées dans ces combats», a témoigné un habitant de Janayabdale, Hassan Muktar.

Selon ces sources, les miliciens tentaient de gagner la région de Gedo (sud-est) dominée par le sous-clan des Marehan, dont ils sont issus.

Si le départ de ces miliciens de la région de Kismayo se confirmait, les islamistes auraient les mains complètement libres dans la ville portuaire: les forces du gouvernement de transition somalien, celles de son allié éthiopien et de la mission de maintien de la paix de l'Union africaine en Somalie (Amisom) sont en effet complètement absentes de cette région.

Les troupes éthiopiennes sont intervenues officiellement fin 2006 en Somalie, à la demande du gouvernement de transition, et ont mis en déroute les tribunaux islamiques qui contrôlaient depuis six mois la majeure partie du sud et du centre de ce pays en guerre civile depuis 1991.

Samedi, le représentant spécial de l'ONU pour la Somalie, Ahmedou Ould Abdallah, a «déploré» dans un communiqué «les meurtres de victimes innocentes» à Kismayo.

Selon M. Abdallah, la raison véritable de ces combats réside «dans la prise de contrôle du port et de ses ressources» et non, comme l'a avancé un porte-parole des insurgés vendredi, cheikh Muktar Robow, dans la volonté de chasser «les milices locales qui tentaient de stopper la lumière de la religion islamique».