La France a lancé jeudi une large réorganisation de son réseau diplomatique, le deuxième au monde derrière celui des États-Unis, en appelant ses ambassadeurs à une «culture de l'urgence» et du «résultat» sur fond d'économies et de réduction d'effectifs dans certains postes.

Le chef de la diplomatie Bernard Kouchner a présenté ce «projet de modernisation global, de longue haleine» devant quelque 180 diplomates de haut rang réunis pour la conférence annuelle des ambassadeurs de France.

«Nous allons modifier les structures de l'administration centrale, réorganiser notre réseau diplomatique et consulaire et réorienter les moyens de la diplomatie publique d'influence», a dit M. Kouchner.

M. Kouchner a aussi indiqué vouloir faire «évoluer» les «méthodes de travail» du vénérable Quai d'Orsay pour en faire «le ministère de la mondialisation».

La veille, l'ex-premier ministre Alain Juppé avait remis un «livre blanc» sur la diplomatie au président Nicolas Sarkozy et jugé que la politique étrangère était un peu «enfermée dans un donjon».

Une direction consacrée aux «enjeux globaux» va être créée pour prendre en compte les domaines -finance, énergie, eau, matières premières ou démographie- «au coeur de la compétition mondiale et de notre action diplomatique», a annoncé M. Kouchner.

«Comment appréhender la crise géorgienne sans avoir une vision précise des enjeux énergétiques ?», a-t-il fait valoir. M. Kouchner s'est félicité de la mise en place d'un nouveau «centre de crise» renforcé au Quai d'Orsay qui vient de prouver selon lui son efficacité et sa rapidité lors du conflit en Géorgie.

Il a demandé aux diplomates que cette «culture de l'urgence» et «du résultat» soit «partagée par chacun». Autre innovation, M. Kouchner a indiqué qu'à partir du 1er novembre, les ambassadeurs particulièrement exposés (Kaboul, Islamabad, Alger, Beyrouth ou Bagdad) «verraient leur indemnité augmenter sensiblement, tandis que d'autres seraient revues à la baisse».

Il a aussi annoncé la réduction de la taille d'une trentaine d'ambassades, dans des petits pays, qui ne conserveront qu'un seul collaborateur, aux côtés d'un jeune ambassadeur, un moyen de maintenir malgré tout une large présence.

Avec 158 ambassades et 21 représentations multilatérales, et 16 000 agents, la France dispose du deuxième réseau diplomatique du monde après celui des États-Unis.

Mais Paris soumet déjà depuis des années sa diplomatie à une cure d'amaigrissement. Le Quai d'Orsay a connu une baisse de 21% de ses dépenses depuis 2000 et de 11% de ses effectifs de 1997 à 2007.

M. Kouchner a toutefois voulu faire passer le message que sa réforme était dictée d'abord par des considérations stratégiques, et non budgétaires, au moment où les caisses de l'Etat sont «vides», comme l'a dit M. Sarkozy.

La réduction des dépenses -qui fait grincer des dents au Quai d'Orsay- «n'est ni la raison d'être, ni l'objectif unique de la réforme», a-t-il assuré.

De premiers redéploiements ont permis d'ouvrir 16 ambassades, principalement dans les pays de l'Est et cinq consulats dans les pays émergeants (Chine, Inde, Russie). Depuis 1989, il y a eu toutefois 56 fermetures pour seulement 47 ouvertures d'ambassades ou consulats.

Enfin, la modernisation passe aussi, a expliqué M. Kouchner, par davantage d'efforts vers l'égalité hommes-femmes. Aujoud'hui, seuls 12% des ambassadeurs français sont des femmes.

Il a demandé que «la parité des promotions» soit la règle et que «l'on cesse de convoquer des réunions après 17h» qui pénalisent la vie de famille des diplomates.