Le gouvernement afghan a annoncé lundi qu'il souhaitait renégocier les termes de la présence des forces internationales en Afghanistan, après une série de frappes aériennes meurtrières de la coalition sous commandement américain, dont la dernière a tué 90 civils selon Kaboul.

Les principaux responsables afghans, le président Hamid Karzaï en tête, lancent depuis des mois mais en vain des appels à la prudence aux forces internationales, prévenant que de telles bavures risquent de retourner la population contre les soldats étrangers et le gouvernement.

Pour leur part, les forces internationales assurent tout mettre en oeuvre pour diminuer la possibilité de dommages collatéraux, mais la poursuite des bombardements meurtriers ces derniers mois a visiblement exaspéré le gouvernement afghan.

Dans une résolution adoptée lundi au nom de la «souveraineté de l'Afghanistan», le conseil des ministres mandate les ministres de la Défense et des Affaires étrangères pour «ouvrir des négociations avec les forces internationales», selon un communiqué du gouvernement.

Il s'agit de «renégocier les termes de la présence de la communauté internationale en Afghanistan», d'«établir les limites et les responsabilités des forces internationales conformément aux lois afghanes et internationales» et de «mettre un terme aux frappes aériennes visant des cibles civiles, aux perquisitions et aux détentions illégales de citoyens afghans».

Le conseil des ministres «condamne dans les termes les plus forts» les récents bombardements aériens ayant causé des pertes civiles.

Vendredi, plus de 90 civils - principalement des femmes et des enfants - ont été tués dans un bombardement près du village d'Azizabad, dans le district isolé de Shindand, où les insurgés sont très présents, à quelque 120 km d'Herat, la grande ville de l'ouest du pays, selon une commission d'enquête présidentielle afghane.

La coalition a ouvert sa propre enquête, après avoir déclaré vendredi que 30 insurgés avaient été tués.

En juillet, deux frappes aériennes des forces internationales avaient tué 64 civils, pour la plupart des femmes et des enfants, dans les provinces du Nouristan et de Nangarhar (est), selon des commissions d'enquête afghanes.

Des civils afghans sont aussi régulièrement victimes de tirs meurtriers à des postes de contrôle ou à l'approche de convois militaires.

Les forces internationales regrettent la mort des civils mais absolvent le plus souvent leurs soldats à l'issue de longues enquêtes, privilégiant leur sécurité et jugeant qu'ils ont respecté les règles d'ouverture du feu.

En mai, une enquête militaire américaine a ainsi jugé que des Marines victimes d'une attaque avaient «agi de manière appropriée», lors d'une fusillade au cours de laquelle ils avaient tué 10 civils en mars 2007 près de la frontière pakistanaise.

D'après la Commission afghane indépendante des droits de l'Homme, plus de 900 civils ont été tués depuis début 2008 dans des violences, du fait des insurgés ou des forces de sécurité afghanes et internationales.

Les talibans ont lancé une insurrection meurtrière depuis qu'ils ont été chassés du pouvoir à la fin 2001 par une coalition internationale menée par les États-Unis, après avoir refusé de remettre les chefs d'Al-Qaeda, responsables des attentats du 11 septembre 2001.

Les violences ont redoublé d'intensité depuis près de deux ans malgré la présence de 70 000 soldats de deux forces multinationales, l'une de l'OTAN (Force internationale d'assistance à la sécurité, Isaf), l'autre sous commandement américain (Operation Enduring Freedom, OEF).

Le Conseil de sécurité des Nations unies vote tous les ans la prolongation du mandat de l'Isaf, qui expire en octobre prochain.

Les États-Unis et l'Afghanistan ont signé en mai 2005 des accords bilatéraux concernant l'Operation Enduring Freedom, à visée anti-terroriste, dans le cadre d'une «déclaration de partenariat stratégique».