Le Parlement russe s'est prononcé lundi pour une reconnaissance des deux républiques séparatistes de Géorgie, un vote jugé «inacceptable» par les États-Unis tandis que Moscou est sous la pression des Occidentaux pour retirer ses positions militaires avancées en territoire géorgien.

Le Conseil de la Fédération (chambre haute) et la Douma (chambre basse) ont voté à l'unanimité une déclaration appelant le président russe Dmitri Medvedev à reconnaître l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud.

La décision revient désormais à l'exécutif russe, qui dispose d'une série d'options, de la reconnaissance et annexion pure et simple de ces deux territoires au statu quo, ce qui empêcherait la Géorgie de rejoindre l'OTAN, selon des experts.

«Ni l'Abkhazie, ni l'Ossétie du Sud ne vivront plus jamais dans le même État que la Géorgie», a lancé le président abkhaze Sergueï Bagapch, au cours d'une session extraordinaire au Parlement russe.

Son homologue sud-ossète Edouard Kokoïty a déclaré que Tskhinvali, la capitale de l'Ossétie du Sud, était «devenue le Stalingrad caucasien», après l'offensive géorgienne dans la nuit du 7 au 8 août, dans une allusion à la bataille de Stalingrad en 1943.

Six mois après la proclamation d'indépendance du Kosovo, aussitôt reconnue par Washington et la plupart des pays de l'Union européenne mais vivement critiquée par Moscou, qui avait alors mis en garde contre un «effet dominos», le précédent de la province serbe était présent dans bien des esprits.

«L'Abkhazie et l'Ossétie du Sud ont plus de raisons que le Kosovo de prétendre à l'indépendance», a affirmé le président de la commission des Affaires étrangères de la Douma, Konstantin Kossatchev.

Sergueï Markov, politologue et député pro-Kremlin, a laissé entendre qu'une reconnaissance des deux régions indépendantistes n'était pas l'unique scénario mais qu'elle interviendrait si les «instruments existants n'étaient pas suffisants» pour assurer leur «sécurité».

À Tskhinvali, des voitures arborant des drapeaux flambant neufs aux couleurs de l'Ossétie du Sud et de la Russie et des coups de klaxon ont salué le vote du Parlement de Moscou.

«Nous avons vaincu, la Russie est avec nous, c'est l'événement le plus heureux de ces derniers temps», jubilait Eleonora Bedoïeva, du ministère sud-ossète de la Jeunesse.

Le président géorgien Mikheïl Saakachvili a pour sa part jugé «tragique» le vote du Parlement russe.

«C'est notre destin géopolitique tragique (...) mais personne ne peut légaliser l'annexion de territoires géorgiens», a-t-il déclaré.

Les États-Unis ont jugé «inacceptable» la décision des parlementaires russes sommant Moscou de «respecter l'intégrité territoriale et la souveraineté de la Géorgie», selon un porte-parole du département d'État, Robert Wood.

La Maison-Blanche a annoncé que les États-Unis examinaient l'ensemble de leurs relations avec la Russie affirmant que le destin de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie «ne dépendait pas de la décision d'un seul» pays.

Le vice-président américain Dick Cheney doit se rendre la semaine prochaine en Géorgie, ainsi qu'en Ukraine et en Azerbaïdjan, trois alliés de Washington. Ce sera le plus haut responsable américain à se rendre en Géorgie depuis le début du conflit.

La chancelière allemande Angela Merkel a pour sa part appelé le président russe à rejeter la résolution du Parlement.

«Je suppose que le président russe ne va pas signer cette résolution, car cela provoquerait une situation très difficile et critique au regard de la sécurité territoriale de la Géorgie», a-t-elle déclaré.

Sur le terrain, Tbilissi a accusé les séparatistes sud-ossètes d'avoir renforcé leur présence à Akhalgori, un bourg géorgien pris par les Ossètes et les Russes le 17 août, selon le porte-parole du ministère géorgien de l'Intérieur Chota Outiachvili.

Dans le reste du pays, «rien n'a changé», a-t-il ajouté dans une allusion aux positions avancées des forces russes en territoire géorgien, notamment autour du port de Poti, crucial pour l'économie du pays.

La France, qui a convoqué un sommet extraordinaire de l'Union européenne sur la Géorgie le 1er septembre en sa qualité de présidente de l'UE, «continue d'insister» auprès de la Russie pour qu'elle se retire de l'axe Poti-Senaki, a déclaré le porte-parole de la diplomatie française, Frédéric Desagneaux.

La Russie a de son côté multiplié les gestes anti-occidentaux.

Le président Medvedev a déclaré que la Russie était prête à aller jusqu'à une «rupture des relations» avec l'OTAN si l'Alliance atlantique ne voulait plus coopérer.

Le premier ministre Vladimir Poutine a annoncé que son pays envisageait de sortir de certains des accords négociés dans le cadre du projet d'adhésion de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

Et dans la soirée, le croiseur Moskva, vaisseau amiral de la flotte russe de la mer Noire, engagé dans le conflit avec la Géorgie, a de nouveau quitté Sébastopol, son port d'attache dans le sud de l'Ukraine, où il était revenu samedi.