Au moins 64 personnes ont été tuées jeudi dans un double attentat suicide des talibans devant la principale usine militaire d'armement du Pakistan, non loin d'Islamabad, une nouvelle attaque qui fragilise encore un gouvernement paralysé par des querelles intestines.

Ce nouvel attentat, le plus meurtrier depuis le début de l'année, est le dernier en date d'une vague sans précédent d'attaques perpétrées par des combattants proches d'Al-Qaeda et des talibans, qui a fait plus de 1000 morts en un an.

Et une récente offensive de l'armée dans les zones tribales frontalières avec l'Afghanistan, ordonnée par le nouveau gouvernement sous la pression de Washington, laissait redouter une recrudescence de ces attaques.

Le Maulvi Omar, porte-parole du Mouvement des Talibans du Pakistan (TTP), réputé proche d'Al-Qaeda, a d'ailleurs revendiqué immédiatement le double attentat de jeudi auprès de l'AFP et menacé de lancer ses kamikazes contre les grandes villes du pays, y compris Islamabad, si l'armée ne stoppait pas ses opérations dans les zones tribales.

Les attentats de jeudi ont été perpétrés, quasi simultanément, devant les deux entrées d'un vaste conglomérat d'usines d'armement, Pakistani Ordnance Factories, dans la localité de Wah, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest d'Islamabad, au moment où les équipes d'ouvriers se relayaient.

«Deux hommes à pied ont apparemment fait exploser les bombes qu'ils portaient sur eux devant l'usine au moment d'un changement d'équipe du personnel», a déclaré à l'AFP Nasir Durrani, le chef de la police de Taxila, ville voisine de Wah et haut-lieu du tourisme au Pakistan pour ses vestiges antiques hindous.

Au moins 64 personnes ont été tuées et une soixantaine blessées, a indiqué à l'AFP en fin de soirée Shafiq Ahmed, un officier de police.

Il s'agissait du deuxième attentat depuis la démission, lundi, du président Pervez Musharraf, allié-clé des États-Unis dans leur «guerre contre le terrorisme». Le même jour, un kamikaze avait tué trente personnes dans un hôpital dans le nord-ouest du pays.

Les talibans pakistanais, mais aussi Al-Qaeda, avaient décrété le jihad, la «guerre sainte», contre le chef de l'État et son armée après qu'il eut ordonné, en juillet 2007, l'assaut de la Mosquée rouge d'Islamabad, où s'étaient retranchés des centaines d'islamistes lourdement armés.

Cet assaut avait fait une centaine de morts, des «martyrs» qu'Oussama ben Laden lui-même et des chefs islamistes pakistanais avaient juré de venger.

Or, le nouveau gouvernement issu des législatives de février et hostile à M. Musharraf a récemment lancé, sous la pression intense de Washington, une nouvelle offensive dans les zones tribales du nord-ouest, limitrophes de l'Afghanistan et bastions des talibans afghans ou pakistanais, et des combattants étrangers d'Al-Qaeda.

L'opération dans le district de Bajaur, une des zones tribales où Washington est convaincu qu'Al-Qaeda a reconstitué ses forces, a fait plus de 500 morts parmi les insurgés en deux semaines, selon l'armée.

De hauts responsables des forces de sécurité ont déclaré à l'AFP que des «représailles» de la part des talibans étaient «inévitables».

D'autant que le gouvernement de coalition, qui a poussé lundi M. Musharraf à la démission en le menaçant d'une procédure de destitution, est plus que jamais fragilisé et laisse, selon les politologues et les éditorialistes, le champ libre aux militants fondamentalistes.

Les deux partis piliers du gouvernement, vainqueurs des législatives, tentaient encore d'ultimes tractations avant une date-butoir vendredi, pour tenter de s'entendre sur le choix du successeur de M. Musharraf et résoudre leur différend sur le rétablissement dans leurs fonctions de juges de la Cour suprême évincés par le chef de l'État démissionnaire.

La plupart des victimes du double attentat de Wah étaient des ouvriers civils de l'usine qui dépend du ministère de la Défense, a déclaré à l'AFP au téléphone Riaz Hussain, un des 25 000 à 30 000 salariés de ce complexe qui fabrique des munitions, obus et missiles.

«J'étais en train de travailler quand j'ai entendu une grosse explosion, suivie immédiatement d'une seconde, elles étaient énormes», a-t-il expliqué.