La multiplication des drames de l'immigration clandestine ces derniers jours, avec plusieurs dizaines d'Africains morts lors de traversées vers l'Espagne, démontre les limites du système de surveillance maritime, dénoncent des associations espagnoles de défense des «sans-papiers».

«Il est certain que l'imperméabilisation des frontières ne diminue pas le nombre de morts de l'immigration clandestine, tout au contraire», critique Francisco Majuelos, responsable de l'association de défense de droits de l'Homme en Andalousie APDH-A.

La semaine écoulée, une trentaine d'immigrants africains, dont neuf enfants en bas âge voyageant avec leur mère, sont morts en Méditerranée à cause du mauvais temps alors qu'ils tentaient de gagner la Costa del Sol depuis le Maroc.

«Rendre responsable le mauvais temps n'est que signaler la cause immédiate» critique APDH-À qui estime que depuis le début de l'année plus de 230 immigrés ont ainsi perdu la vie en tentant de gagner les côtes espagnoles.

Un nouveau drame s'est joué vendredi, sur l'archipel des Canaries (Atlantique), avec la découverte dans une embarcation de quatre cadavres de migrants africains et de 55 survivants très affaiblis, dont deux mourront peu après.

Cette fois, le mauvais temps n'est pas en cause mais plutôt la dérive de l'embarcation partie de Mauritanie et l'absence de vivres à bord, rapporte la préfecture. Une dizaine d'autres seraient morts durant le voyage et les corps passés par dessus bord.

Là encore les systèmes pourtant sophistiqués de contrôle, avec radars, caméras thermiques et patrouilles en mer n'ont pas permis de détecter l'embarcation avant qu'elle n'arrive aux Canaries.

«Un système de surveillance efficace à 100% n'existe pas», estime José Antonio Batista Medina, de la préfecture de l'archipel, soulignant qu'après un pic en 2006, avec 31.678 arrivées de clandestins aux Canaries, leur nombre a très fortement diminué en 2007 et 2008.

La baisse (d'environ 60%) est attribuée à l'effet dissuasif du dispositif de surveillance des côtes ouest-africaines de l'agence européenne Frontex et du système espagnol de détection «Sive», ainsi qu'aux accords de rapatriement signés par Madrid avec plusieurs pays ouest-africains.

Mais pour APDH-A, la surveillance accrue explique en partie la multiplication des tragédies. «Un système de surveillance plus efficace produit des morts: en mettant des barrières à l'arrivée des migrants, on les oblige à prendre plus de risques durant les traversées», estime M. Majuelos.

Ainsi le détroit de Gibraltar est aujourd'hui très étroitement surveillé côté espagnol et les migrants tendent maintenant à passer bien plus à l'est en tentant des traversées beaucoup plus longues et risquées.

«Ce système Sive qui coûte des millions d'euros ne va pas empêcher les immigrants de continuer à risquer leur vie en mer», souligne José Miguel Morales, responsable de l'association d'aide aux migrants, Andalucia Acoge.

«Le problème est complexe et les réponses multiples mais un élément essentiel est l'aide au développement» dans les pays d'émigration, estime M. Majuelos.

Le gouvernement socialiste espagnol se dit conscient qu'une politique d'endiguement ne peut seule suffire et multiplie depuis quelques semaines les appels aux pays occidentaux à intensifier l'aide pour l'Afrique.

«Nous sommes dans une situation alarmante. Ou nous aidons l'Afrique à lutter contre l'extrême pauvreté, ou notre État de solidarité, notre État social sera en danger», a averti récemment José Luis Rodriguez Zapatero, tout en annonçant une hausse de l'aide espagnole au développement à 0,7% du PIB en 2012 (contre 0,32% en 2006, selon l'OCDE).