Beaucoup d'Indiens rêvent de la capitale économique de l'Inde comme d'un eldorado. Mais l'espace se fait rare et les loyers atteignent des records historiques. Notre collaboratrice a rencontré des victimes de la crise du logement qui sévit à Bombay.

Quand Abhishek Majithia sort du centre d'appels dans lequel il travaille lorsqu'il n'est pas à l'université, sa journée est loin d'être terminée. Il doit encore marcher jusqu'à la gare de Dadar, en plein coeur de la presqu'île de Bombay.

Puis, comme des millions de personnes, il doit prendre le train pour un des nouveaux quartiers construits sur le continent. Deux heures plus tard, il est enfin chez lui... Ou presque.

Car Abhishek partage son minuscule appartement avec trois amis. Pas de chambre, pas de lit. La nuit venue, les jeunes hommes déroulent leurs matelas et les alignent soigneusement à côté du four.

«Lorsque j'ai débarqué à Bombay, je pensais qu'avec mon salaire, qui est convenable, je pourrais trouver un studio. Mais après des mois de recherches infructueuses, j'ai accepté cette colocation», déclare Abhishek, résigné.

Son père, qui est professeur, ne peut pas lui envoyer d'argent. Alors, le jeune homme consacre au loyer le tiers de ce qu'il gagne chaque mois : 8000 roupies, soit 190$.

Record mondial

En 2007, Bombay est la ville qui a connu la plus importante augmentation des loyers au monde (+ 21%), selon une étude de la société de conseil en immobilier Cushman&Wakefield.

La ville se classe désormais au sixième rang des villes les plus chères au monde pour louer un appartement. Dès lors, pour l'écrasante majorité des Bombayites, trouver un logement est un calvaire. Pouvoir le payer est une préoccupation quotidienne. Mais une minorité en profite largement.

La famille d'Aditya Kumar a vécu à Bandra pendant de nombreuses années. «J'adore notre petit Beverly Hills local», déclare fièrement cet ingénieur en aéronautique. Le quartier, relativement calme et arboré, est en effet très prisé des acteurs de Bollywood et des expatriés.

Mais au début de l'année, la famille a dû déménager, car le propriétaire a doublé le loyer du jour au lendemain. «Il nous a proposé de faire quelques travaux pour améliorer l'isolation et a refait la peinture. Quand le bail est arrivé à échéance, il a demandé 40 000 roupies (952$) alors que nous payions autour de 20 000 (474$) depuis quatre ans, s'insurge ce père de famille. La loi étant de son côté, nous n'avons pas eu le choix, nous avons déménagé dans un petit appartement de la banlieue nord.»

C'est que la ville la plus dynamique du sous-continent attire chaque jour des milliers d'Indiens en quête d'un travail rémunérateur et d'une vie meilleure.

La classe moyenne, de plus en plus importante, s'enrichit, ce qui accroît également la demande de logements. D'après la Banque asiatique de développement, 10 millions de logements supplémentaires devraient être construits en Inde chaque année d'ici à 2030 pour y répondre. En attendant, l'espace se raréfie et la situation devient critique.

Et si un faible ralentissement a été observé au premier trimestre 2008, l'espoir reste mince. Chetan Dave, PDG de Sun-Apollo, important fonds immobilier, admet que «la pénurie de logements accessibles à la classe moyenne exerce une pression continue sur le prix des loyers».

Mais à Bombay, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne. Plusieurs mondes cohabitent.

Il y a quelques semaines encore, le foyer d'Archana Singh abritait cinq personnes. Aujourd'hui ils sont huit à se partager deux chambres.

«J'ai quitté Mangalore, ville du Karnataka, dans le sud de l'Inde, pour trouver un travail. Je ne veux pas déranger ma soeur mais, sans argent de côté, je ne peux pas payer de loyer», déplore Pooja Singh. La jeune femme a emménagé chez sa soeur avec ses deux fils à la mi-mai.

Quelques jours plus tard, un leader politique bien connu a acheté un appartement de 232 m2 à Malabar Hill, la colline qui surplombe la baie, pour plus de 7,1 millions de dollars!