Une guerre vient d'éclater dans les hauts rangs de Scotland Yard. Tarique Ghaffur, numéro 3 de Scotland Yard, poursuit son chef, le commissaire Ian Blair, pour discrimination raciale et religieuse. L'officier, né en Ouganda d'une famille pakistanaise, est musulman. Il affirme avoir été victime de traitements humiliants et dégradants depuis plusieurs années.

Ces graves accusations pourraient mener à la démission du commissaire, dont la réputation est déjà entachée par plusieurs controverses depuis son entrée en poste en 2005. Ironie du sort, Ian Blair s'était posé comme champion de la diversité ethnique à son embauche.

«J'ai été victime de discrimination pendant longtemps de la part du commissaire Ian Blair», a déclaré Tarique Ghaffur en conférence de presse jeudi, après avoir insisté sur son attachement à la police métropolitaine.

Le commissaire adjoint, Sir Paul Stephenson, a vivement réagi à cette annonce en suggérant que M. Ghaffur devrait «se taire, arrêter de faire des déclarations publiques sur des disputes privées et poursuivre le travail pour lequel il est payé».

«Nous contesterons ces accusations vigoureusement», a affirmé Sir Stephenson, numéro 2 de Scotland Yard.

Tarique Ghaffur est maintenant la cible de menaces de mort, selon le président de l'Association des policiers noirs britanniques, Alfred John. Certaines de ces menaces provenaient du réseau intranet de la police.

Dans sa plainte, Tarique Ghaffur prétend qu'Ian Blair l'a progressivement écarté de son rôle de responsable de la sécurité des Jeux olympiques de 2012. L'officier musulman, qui porte l'uniforme depuis 34 ans, avait été choisi en 2005 par le ministère de l'Intérieur pour superviser ce dossier très convoité.

Or, Ian Blair et son entourage lui auraient dissimulé des documents cruciaux pour la sécurité des Jeux et l'auraient exclu de réunions importantes. Un assistant du commissaire, Richard Bryant, aurait aussi fait des remarques désobligeantes à propos de son accent.

«Racisme institutionnalisé»

La police métropolitaine n'en est pas à sa première affaire de discrimination raciale. À la suite de l'enquête policière bâclée sur Stephen Lawrence, un adolescent noir tué dans une attaque raciste en 1993, l'ancien juge William Macpherson avait dénoncé un «racisme institutionnalisé»dans la police.

L'avocat de Tarique Ghaffur soutient que 37 policiers britanniques d'origine étrangère poursuivent en ce moment leur employeur pour discrimination raciale. «C'est beaucoup de monde», dit Shahrokh Mireskandari, de la firme Dean&Dean, très optimiste quant aux chances de son client de gagner ce procès.

Près de 9% des policiers britanniques sont issus de minorités ethniques. En 1999, le gouvernement britannique avait demandé à la police métropolitaine que ce taux soit de 25% en 2009.

«Cette poursuite ne fait qu'attiser la méfiance des musulmans face aux autorités britanniques», affirme Inayat Bunglawala, du Conseil musulman britannique.

Une réputation qui a souffert

Surtout, cette nouvelle crise fragilise davantage la position d'Ian Blair. L'histoire de Jean-Charles de Menezes, ce Brésilien innocent tué dans le métro de Londres par un agent antiterroriste en 2005, revient le hanter puisqu'une enquête publique sur cette bavure s'ouvrira en septembre.

Scotland Yard le soupçonne également de népotisme dans une histoire de généreux contrats alloués à un de ses amis, l'homme d'affaires Andy Miller.

Il est temps que le commissaire parte, croit le Daily Telegraph. «La Grande-Bretagne et sa capitale méritent mieux que ça», a écrit le quotidien dans son éditorial de vendredi.