La ville de Visegrad s'est «tristement distinguée» par les atrocités commises pendant la guerre de Bosnie (1992-1995), a déclaré mercredi le procureur du Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie, à l'ouverture du procès des cousins Milan et Sredoje Lukic.

«Tristement, l'histoire de Visegrad (sud-est de la Bosnie) est celle d'une des campagnes de nettoyage ethnique les plus réussies du conflit en Bosnie», a déclaré le procureur Dermot Groome à l'ouverture du procès contre les deux Serbes de Bosnie, accusés de l'assassinat près de 150 civils musulmans.

Milan Lukic, 40 ans, et Sredoje Lukic, 47 ans, étaient respectivement chef et membre des «Aigles blancs» ou «Vengeurs», un groupe de paramilitaires serbes bosniaques de Visegrad.

Quelque «13.000 Musulmans ont été chassés de leurs maisons par la force ou tués entre le printemps et l'été 1992, et la ville s'est tristement distinguée comme étant la deuxième, après (le génocide de) Srebrenica, pour l'importance de son déplacement forcé de population», a-t-il ajouté.

«Ce que Milan Lukic et Sredoje Lukic ont fait n'étaient pas les actes d'une simple bande de criminels, mais une attaque systématique et de grande ampleur contre la population civile», a estimé le procureur.

Les Aigles blancs travaillaient avec la police locale et des unités militaires afin de faire régner la terreur sur la population musulmane locale, selon l'acte d'accusation.

Selon le procureur, ils sont responsables de la mort de près de 150 civils brûlés vifs après avoir été enfermés, et du passage à tabac de nombreux prisonniers. Les deux accusés ont plaidé non coupable.

Le procureur les accuse de 21 chefs de crimes de guerre et crimes contre l'humanité, notamment pour le meurtre, le mauvais traitement, des persécutions sur des bases politiques, raciales et religieuses et l'extermination de Musulmans, commis entre juin 1992 et octobre 1994.

Il a raconté comment Milan Lukic a abattu Harija Koric, une femme musulmane dont il recherchait la famille, dans une rue où il avait fait aligner des Musulmans tirés de leurs maisons. «Il a alors éclaté de rire et demandé au groupe (de civils) : +C'est quoi son problème ?+», a raconté le procureur.

M. Groome a rappelé qu'à deux reprises, les deux cousins avaient enfermé des groupes d'environ 70 civils musulmans -- des femmes, des enfants et des personnes âgées -- dans une maison, avant de l'incendier.

Une poignée seulement a survécu. Une jeune fille qui y a perdu sa famille et sa soeur alors âgée de neuf ans, et qui a survécu à ses brûlures puis a fui la ville, viendra témoigner à La Haye, a-t-il ajouté.