Le gouvernement britannique a annoncé dimanche une série de mesures radicales pour tenter de juguler une vague sans précédent de meurtres à l'arme blanche, dont ceux de deux étudiants français à Londres fin juin, qui ont choqué l'opinion publique.

Privilégiant la sensibilisation au tout-répressif, la ministre de l'Intérieur Jacqui Smith a annoncé que ceux pris en possession d'un couteau devront rendre visite à des personnes poignardées et des familles de victimes dans les services d'urgence des hôpitaux, ainsi qu'à des criminels emprisonnés pour attaque à l'arme blanche.

«Il est simpliste et faux de prétendre que la prison est la réponse simple à tous les problèmes de la société», a déclaré Mme Smith.

Ces mesures font partie d'un vaste plan d'action qui sera annoncé mardi par l'Intérieur mais également les ministères de la Justice et de l'Education. D'un coût de 100 millions de livres (200 millions de dollars canadiens), il comprendra un programme de prévention qui visera notamment à sensibiliser les parents sur leur responsabilité.

Le train de mesures ne comprend pas en revanche l'établissement d'un couvre-feu pour les moins de 16 ans, demandé par près de 90% des parents, selon une enquête d'opinion publiée dimanche dans le Sunday Times: 53% le souhaitent à partir de 21h00 et 35% à partir de 22h00.

Une source proche du gouvernement a cependant indiqué au journal que les autorités étaient disposées à envisager un couvre-feu, dont un projet-pilote, baptisé «Opération Bonne nuit», est déjà testé à Redruth, en Cornouailles (sud-ouest).

Plus de 20 000 agressions à l'arme blanche ont été commises sur un an, à la date du mois de mars, soit 56 par jour. Cette vague inédite a d'autant plus choqué l'opinion publique qu'elle touche particulièrement les adolescents. Sur les 53 personnes tombées sous des coups de poignard à Londres depuis le début de l'année, vingt avaient moins de vingt ans.

Les inquiétudes ont pris des allures de psychose après l'agression mortelle à l'arme blanche de neuf personnes dans la semaine qui s'est achevée dimanche, dont six en seulement 24 heures.

«Choquant et tragique», a jugé vendredi le premier ministre Gordon Brown, qui a organisé samedi une réunion d'urgence avec Ian Blair, le directeur de Scotland Yard.

Les meurtres sauvages de deux étudiants français ont également ajouté au sentiment d'insécurité: Laurent Bonomo a été poignardé le 29 juin à près de 200 reprises et son ami Gabriel Ferez près de cinquante fois. Deux personnes ont été inculpées pour ce double meurtre.

Le phénomène ne se limite pas à Londres. La dernière agression à l'arme blanche est ainsi survenue en Écosse: un homme de 22 ans a été grièvement blessé dans la nuit de samedi à dimanche sur le site du festival de musique «T in the Park».

Les mesures annoncées dimanche ont été qualifiées de «gadget bon marché» par le syndicat des agents de probation, le Napo. «Le gouvernement est à court d'idée», a déclaré au Sunday Times son secrétaire général adjoint, Harry Fletcher.

Reste à savoir à quoi tient ce goût pour l'arme blanche. «Les jeunes se sentent complètement inutiles. Ils sont perdus», expliquait samedi le révérend Les Isaac, ancien membre d'un gang, lors d'une conférence tenue à Brixton, un quartier du sud de Londres réputé pour son taux élevé de criminalité.

Mais des experts soulignent que porter un couteau est devenu «cool». «C'est bling bling», explique Ellis Cashmore, de l'Université de Staffordshire. «Ils ne peuvent pas s'offrir des chaînes en or ou des voitures de course... Le couteau leur donne un statut comme des nouveaux pantalons ou des bijoux», explique-t-il dans l'Independent.