Cette semaine, à moins d'un changement de dernière heure, Barack Obama se mettra officiellement à dos plusieurs de ses supporters les plus enthousiastes.

Le sénateur de l'Illinois entend voter pour une nouvelle loi sur l'écoute antiterroriste, après s'être engagé à plusieurs reprises à voter contre. De toutes les volte-face récentes du candidat démocrate, celle-ci a soulevé la plus grande indignation chez les militants internautes, qui appartiennent à un mouvement appelé «netroots».

De tendance progressiste, ce mouvement a contribué au succès de Barack Obama en mobilisant les jeunes et en amassant des fonds pour sa campagne. Aujourd'hui, les netroots sont peut-être sur le point de se mutiner.

«Il y a une différence entre se recentrer et poignarder ses alliés dans le dos par peur d'être critiqué», a écrit récemment Markos Moulitsas sur Daily Kos, un site très populaire auprès des partisans de Barack Obama.

Le «recentrage» auquel fait allusion le fondateur et blogueur principal de Daily Kos ne touche pas seulement à la position de Barack Obama sur l'écoute électronique. Depuis la fin de la course à l'investiture démocrate, le sénateur de l'Illinois a adopté plusieurs positions qui contredisent des promesses antérieures ou le rapprochent de la droite.

Quelques exemples. Partisan de la peine de mort, le candidat démocrate a dénoncé la décision récente de la Cour suprême des États-Unis interdisant d'infliger la peine de mort pour des viols d'enfants. Il s'est par la suite gardé de condamner un arrêt de la même cour confirmant le droit de chaque citoyen américain de posséder une arme pour son usage personnel. Enfin, il a promis de renforcer le programme de l'administration Bush qui fournit des fonds fédéraux à des organisations caritatives religieuses.

Rien d'inhabituel

Ce recentrage n'a rien d'inhabituel. Après une campagne d'investiture, la plupart des candidats démocrates ou républicains ressentent le besoin de mettre de l'eau dans leur vin pour courtiser l'électorat centriste, qui décide souvent du résultat de l'élection présidentielle.

Mais Barack Obama n'est pas un candidat habituel. Avec son message de changement, le sénateur de l'Illinois a convaincu plusieurs militants de gauche qu'il était celui dont ils rêvaient. Aujourd'hui, plusieurs d'entre eux sont amers ou déçus. À leurs yeux, le candidat démocrate brouille son image ou trahit ses promesses.

«Courir vers le centre dans une tentative d'attirer les électeurs indécis n'a pas marché pour Al Gore en 2000. Cela n'a pas marché pour John Kerry en 2004. Et cela n'a pas marché non plus quand (le stratège) Mark Penn a convaincu Hillary Clinton de le faire en 2008», a écrit récemment Arianna Huffington sur The Huffington Post, un autre site populaire auprès des partisans de Barack Obama.

Huffington ajoute : «Courtiser cet électorat capricieux nécessite un discours conçu pour éviter d'offenser plutôt que d'inspirer et de galvaniser. Et la raison d'être de la campagne d'Obama n'était-elle pas la mobilisation de l'électorat pour demander un changement fondamental?»

Barack Obama devra mettre à profit ses talents de communicateur s'il veut éviter que les netroots ne se rebellent après son vote sur l'écoute électronique.

Fruit d'un compromis laborieux entre le Congrès et la Maison-Blanche, cette loi vise à mieux encadrer le programme d'écoute électronique extrajudiciaire mis en place par l'administration républicaine après les attentats du 11 septembre 2001.

Elle est assortie d'une mesure que Barack Obama a déjà dénoncée, à savoir l'immunité rétroactive des compagnies de télécommunications qui ont collaboré aux écoutes et aux interceptions sans mandat ordonnées par le président.

«Je m'oppose fortement à l'immunité rétroactive insérée dans la loi, avait déclaré Barack Obama en janvier dernier. Depuis le 11 septembre, cette administration nous a placés devant un faux choix entre les libertés que nous chérissons et la sécurité que nous demandons.»

Le 20 juin dernier, le sénateur de l'Illinois a surpris plusieurs de ses partisans en annonçant qu'il appuierait la nouvelle loi, qui venait d'être adoptée par la Chambre des représentants. Il a fait valoir que la sécurité des Américains prime son objection concernant l'immunité des sociétés de télécommunications. À la veille de la fête du 4 juillet, il a publié sur son site Internet une autre déclaration visant à amadouer les netroots : «Je comprends que certains d'entre vous n'êtes pas d'accord avec moi à propos de la nouvelle loi, et je suis heureux d'encaisser les coups. Car le fait est que votre mobilisation, votre militantisme et votre passion sont responsables en partie de l'amélioration de la nouvelle loi.»