Nelson Mandela célèbre aujourd'hui ses 90 ans, entouré de ses proches et de quelque 500 invités à sa résidence ancestrale de Qunu, au Transkei. Mais l'Afrique du Sud entière vit au rythme de la «madibamanie» depuis des semaines.

«Madiba», «chef de famille» en xhosa, c'est le titre des doyens du clan des Thembu dont il est issu. C'est ainsi que ses compatriotes appellent Nelson Mandela, symbole vivant de leur longue et victorieuse lutte contre l'apartheid.

Le site sahistory.org.za lui consacre une section entière (photos, discours). La télévision sud-africaine présente le film Viva Madiba: un héros pour toutes les saisons, et le livre Mandela: un portrait autorisé a été réédité.

Véritable icône mondiale de la paix, le premier président de l'Afrique du Sud libre (1994-1999), frêle mais souriant, a été fêté fin juin à Londres au cours d'un dîner d'État et d'un concert public qui ont réuni, entre autres, Élisabeth II, Gordon Brown et une foule de vedettes.

Les festivités continuent jusqu'au mois prochain, avec un rassemblement de masse à Pretoria, la capitale de l'Afrique du Sud, convoqué par le Congrès national africain (ANC), dont Mandela fonda la Ligue des jeunes en 1944.

L'engouement londonien pour Mandela irrite l'ANC. «Mandela est le produit de son peuple et de sa société, et sa fête est aussi, et surtout, la nôtre», a lancé Gwede Mantashe, secrétaire général du parti au pouvoir, lundi.

Études et amitiés

Nelson Rolihlahla Mandela est né le 18 juillet 1918 à Mvezo, près de Qunu, au Transkei, qui fait maintenant partie de la province du Cap-Oriental. Son père était un chef thembu et conseiller du grand chef du clan. Rolihlahla signifie «fauteur de troubles».

Premier membre de sa famille à terminer le secondaire, il entama à l'Université de Fort Hare des études de droit achevées à l'Université de Witwatersrand, pendant lesquelles il tissa des liens étroits avec des gens comme Walter Sisulu, Oliver Tambo, I.C. Meer, J.N. Singh, Joe Slovo et Ruth First, qui devaient devenir des figures de proue de l'ANC.

Son départ de Fort Hare au début des années 40 illustre son implacable engagement envers les principes de la démocratie et de l'équité: il refusa de siéger au conseil des étudiants parce qu'il n'avait pas apprécié la façon dont l'élection avait été menée.

Dans cette veine, ses propos les plus cités sont extraits de son discours au procès de Rivonia, qui, en 1964, l'envoya en prison dans l'île de Robben, d'où il fut libéré en 1990: «J'ai lutté contre la domination blanche et contre la domination noire. J'ai chéri l'idéal d'une société libre et démocratique où tout le monde vit en harmonie avec des chances égales. C'est un idéal pour lequel, au besoin, je suis prêt à mourir.»

Le combattant révolutionnaire

Mais Nelson Mandela a aussi été un combattant révolutionnaire. Il a fondé en 1961 Umkhonto we Sizwe ou MK (La lance de la nation), bras armé de l'ANC, le régime minoritaire blanc ayant interdit l'organisation l'année précédente.

Ce n'est d'ailleurs que le 26 juin 2008 que le Congrès des États-Unis a retiré le nom du Prix Nobel de la paix de sa liste de «terroristes» - dix-huit ans après sa sortie de prison et neuf ans après sa retraite comme président de l'Afrique du Sud!

Sa fidélité à ses principes et son éloignement de 28 ans dans l'île de Robben l'ont aidé à faire la paix avec le régime de l'apartheid, dont la «guerre totale» a plongé pendant 30 ans toute l'Afrique australe dans le carnage et la destruction (1,5 million de morts et au moins 60 milliards de dollars de dégâts, selon l'ONU).

Ce même engagement l'a amené en 2000 à critiquer «l'apartheid noir» au Burundi, où il était médiateur entre Tutsis et Hutus. «Quinze pour cent de la population (Tutsis) ne peuvent pas continuer à monopoliser le pouvoir politique, économique et militaire», a-t-il affirmé devant un sommet de chefs d'État africains.

Il dénonce Bush

En 2003, il a dénoncé vivement les préparatifs de l'agression contre l'Irak. «Un président sans vision, qui ne peut pas penser correctement, s'apprête à plonger le monde dans un holocauste. Ce pays, les États-Unis d'Amérique, a commis d'indicibles atrocités dans le monde, mais il s'en fiche», a-t-il déclaré dans un discours à Johannesburg.

Frugal et discipliné, Nelson Mandela s'est marié trois fois. Sa première épouse, Evelyn, lui a donné deux fils et une fille. Ils ont divorcé en 1957. L'année suivante, il a épousé Winnie Madikizela, qui lui a donné deux filles et qui reste active à la direction de l'ANC.

Il s'est séparé en 1992 de Winnie, devenue une figure controversée. Ils ont divorcé en 1998, année où, marquant ses 80 ans, Mandela a épousé Graça Machel, la veuve du président Samora Machel, du Mozambique.

Amateur de boxe, il suit un régime d'athlète depuis sa jeunesse. Il se lève tôt, mange peu mais bien, cela même durant ses longues années de prison. Comme président, il faisait lui-même son lit. Il adore le lait sur et l'agneau à la façon de chez lui, ainsi que les spaghettis gratinés, qu'il a découverts en prison, et le biryani de ses amis indiens.