Après l'échec du projet de sanctions contre les dirigeants du Zimbabwe au Conseil de sécurité des Nations unies, les regards se tournent à nouveau vers la tentative de médiation de l'Afrique du Sud entre le président Robert Mugabe et l'opposition zimbabwéenne, un processus qui est loin de faire l'unanimité et qui suscite peu d'espoirs.

À l'ONU vendredi, l'Afrique du Sud elle-même a semblé vouloir se remettre en selle dès le veto opposé au texte américain par la Russie et la Chine. L'ambassadeur Dumisani Kumalo a rappelé que le président sud-africain Thabo Mbeki préside déjà des pourparlers entre le parti de Mugabe, le ZANU-PF, et la principale formation de l'opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai. Selon M. Kumalo, le Conseil de sécurité se doit de «donner de l'espace» à cette médiation.

L'objectif des négociations est la formation d'un gouvernement d'union nationale. MM. Mugabe et Tsvangirai se sont tous deux dits ouverts à cette perspective; mais ils divergent naturellement sur lequel d'entre eux devrait mener cette coalition.

M. Tsvangirai exclut d'emblée de voir Mugabe continuer dans ses fonctions, qu'il occupe sans partage depuis 28 ans. Le chef de l'opposition a effectivement obtenu le meilleur score lors du premier tour de la présidentielle en mars, avant d'être contraint d'annoncer son retrait du second tour, le mois dernier, en raison des violences à l'encontre de ses partisans. Le MDC a également remporté les législatives, organisées le même jour que le premier tour de la présidentielle.

Fort de ces succès électoraux, M. Tsvangirai accuse en outre le président sud-africain de favoriser M. Mugabe. Le leader du MDC a donc souhaité l'arrivée d'un autre médiateur en plus de M. Mbeki, qui tient son mandat de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), avec la bénédiction de l'Union africaine.

Depuis le début de sa médiation il y a plus d'un an, M. Mbeki fait preuve de la plus grande prudence pour ne pas froisser M. Mugabe. Le dirigeant autocrate semble lui en savoir gré, puisqu'il a, de son côté, toujours loué le président sud-africain.

M. Tsvangirai n'est pas le seul à contester le rôle de M. Mbeki. La semaine dernière, la présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf s'est jointe à lui en demandant qu'une autre «personnalité importante» rejoigne la médiation sud-africaine. Et ce bien qu'elle admire M. Mbeki, qui fut l'un des artisans de l'accord qui envoya le seigneur de la guerre Charles Taylor en exil en 2003 et ouvrit la voie à la paix au Liberia.

L'Afrique du Sud jouit d'une solide réputation diplomatique sur le continent noir, avec des médiations réussies au Burundi, en Côte d'Ivoire et ailleurs. Mais dans le dossier zimbabwéen, M. Mbeki est accusé de révérences exagérées à l'égard de M. Mugabe, en raison de son passé de héros de la lutte anti-coloniale, voire de leur méfiance commune envers les mouvements syndicaux. En effet, M. Tsvangirai est un ancien leader syndical et les syndicats contestent depuis longtemps la politique économique de M. Mbeki.

M. Mbeki «est désormais le champion de Mugabe» un médiateur neutre, estime Tiseke Kasambala, spécialiste du Zimbabwe de l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch, déçu des vetos russe et chinois contre les sanctions.

Le président sud-africain souligne cependant que critiquer M. Mugabe pourrait encore accroître son isolement. Les partisans de sa ligne notent d'ailleurs que M. Mbeki a réussi à faire accepter l'affichage des résultats du premier tour de la présidentielle bureau par bureau, ce qui a considérablement réduit les fraudes.

En revanche, M. Mugabe a semblé libre d'orchestrer comme il le souhaitait le second tour. Selon les organisations de défense des droits de l'Homme, les violences politiques entre les deux tours ont tué une centaine de partisans de l'opposition. Une fois M. Tsvangirai retiré de la course, même si son nom restait sur le bulletin de vote, M. Mugabe s'est offert une réélection avec le confortable score de 85% des voix.