Raul Castro a semblé écarter vendredi toute dynamique réformatrice, dans un discours devant le Parlement où il a préconisé la rigueur, le «retour à la terre» et de repousser de cinq ans l'âge de la retraite, mais aucune mesure d'assouplissement du contrôle absolu de l'État sur l'économie et la société.

Pendant près d'une heure --un de ses plus longs discours depuis un an-- l'ancien ministre de la Défense qui a succédé à son frère Fidel en février, a fustigé le gaspillage, l'inefficacité ou le «coulage» des biens de l'État par la population, et réitéré son credo économique: augmentation de la production, agricole surtout, réduction des importations et croissance des exportations.

Attendu, en raison du gel apparent depuis quatre mois de toute nouvelle mesure, ce discours n'a toutefois livré aucune indication sur les changements «structurels» promis dans son discours du 26 juillet l'an dernier, destinés selon lui à libérer les forces productives du pays de «l'excès de contraintes» étatiques.

Seule mesure forte, le nouveau chef de l'État, 77 ans, invoquant la démographie vieillissante du pays, a annoncé que les femmes devraient prendre leur retraite à 60 ans et non plus 55, et les hommes à 65 au lieu de 60, selon un projet de loi qui devrait être entériné en décembre.

Dans une île qui importe 84% de son alimentation, étroitement dépendante de l'aide du Venezuela, et où 51% des terres cultivables sont en friche, Raul Castro, inquiet devant la flambée des cours mondiaux, a lancé un étonnant appel au «retour à la terre», peu en ligne avec le dogme communiste.

«Il faut revenir à la terre ! Il faut la faire produire !», a-t-il proclamé, soulignant qu'«il ne peut rester un hectare cultivable qui ne soit pas semé».

Pour cela, il a confirmé la distribution des terres en friche aux petits cultivateurs --les plus productifs à Cuba-- en assurant que ce n'était pas «antagonique avec le socialisme».

Mais, loin de s'engager sur la voie de réformes de type vietnamiennes ou chinoises, il a réitéré son «admiration» pour «la grande propriété d'État socialiste» --«nous n'y renoncerons pas», a-t-il souligné--, sans dire un mot de la principale aspiration des petits exploitants: la liberté de cultiver et de vendre comme ils l'entendent.

Aucune allusion non plus au projet de «micro-entreprises» privées évoqué en coulisse quand, en mars, il avait libéralisé l'accès aux téléviseurs, téléphones portables et ordinateurs, et aux hôtels pour les Cubains.

Pour le reste, Raul Castro a entrouvert la possibilité pour les Cubains d'occuper plusieurs emplois, mais promis une véritable politique de rigueur en annonçant l'étude d'un «système adéquat d'impôts», inexistant à Cuba, et l'élimination des «gratuités indues et de l'excès de subventions», tout en verrouillant toute perspective d'augmentation générale des salaires, renvoyée à des jours meilleurs, au nom de la lutte contre l'«égalitarisme» et les détournements.

Pour augmenter les salaires, il faudra «de l'ordre, du contrôle et une exigence rigoureuse qui assurent l'efficacité, des économies et empêchent le vol ou les détournements des ressources» de l'État --véritable «sport national» à Cuba--, a-t-il averti.

Au passage, il a quafifié de «mensonger» le chiffre de 17 dollars (407 pesos) du salaire moyen à Cuba, jugeant qu'avec la gratuité de nombreux services et les subventions via le carnet de rationnement, il était en réalité bien supérieur.

Raul Castro, qui a assuré que son frère Fidel était «totalement d'accord» avec ce discours, doit encore prononcer l'allocution traditionnelle du 26 juillet, fête nationale, qui aura lieu cette année à Santiago de Cuba (sud).